AU DÉBUT DU XXe SIECLE, les sages-femmes rendaient visite deux fois par jour aux jeunes mères pendant les semaines qui suivent l'accouchement. La menace de la mortalité infantile étant devenue aujourd'hui moins prégnante, les femmes quittent de plus en plus tôt les maternités. Et même, de plus en plus souvent, beaucoup trop tôt, selon l'Académie de médecine, qui émet de nouvelles recommandations après le vote du rapport sur « La première semaine de la vie ».
« La première semaine est une période cruciale où le nouveau-né doit adapter ses fonctions vitales. Le raccourcissement de la durée de séjour du nouveau-né et de sa mère en maternité est une pratique qui, à l'instar d'autres pays, se répand en France sans que des dispositions adéquates n'assurent partout et régulièrement un relais de soins appropriés », alerte le rapporteur, le Pr Paul Vert (pédiatre, Nancy).
Jusqu'à 30 % des naissances.
En nette augmentation depuis une dizaine d'années, la sortie précoce de maternité (c'est-à-dire à trois jours ou moins après la naissance) est plus ou moins fréquente selon les régions, voire, parfois, à l'intérieur d'un même établissement. En cause, le désir, compréhensible, des parturientes de rentrer le plus rapidement possible à leur domicile, mais aussi parfois l'encombrement des maternités à certains moments de l'année. La sortie précoce concerne 15,7 % des naissances en Ile-de-France et 30 % à Lyon. C'est pourquoi l'Académie réclame, de manière préliminaire, un état des lieux et une évaluation des pratiques.
« Malgré de nombreuses initiatives locales ou régionales, comme celles des réseaux ville-hôpital ou des réseaux périnatals, des informations, certes parcellaires, font état ici ou là, en France, de dérives provoquant, au minimum, l'inconfort et le désarroi de certains parents, mais aussi des réhospitalisations tardives mettant en péril la santé des nouveau-nés et susceptibles de peser sur les indicateurs de santé, comme la mortalité infantile », précise le Pr Vert. Ce sont 14 % des nouveau-nés qui ont des problèmes de santé, de gravité très diverses, y compris les prématurés. Ce qui a également conduit l'Académie à mettre en garde contre la tentation « de l'extension du terme au prématuré en dessous de 37 semaines ».
Les acquis de la médecine de la périnatalité ont permis de réduire la mortalité au cours du premier mois à 2,9 pour 1 000. Mais cela ne doit pas permettre de baisser la garde. C'est pourquoi le texte des recommandations demande « la garantie d'un système de relais en cas de retour précoce à domicile (de préférence pas avant trois jours) , assurant des soins de qualité équivalente à celle proposée en maternité, ainsi que le dépistage des affections congénitales et l'examen de santé obligatoire du 8e jour ».
Aux Etats-Unis et au Danemark, les études montrent que les cas d'ictères nucléaires et d'hyperbilirubinémie avec risque d'encéphalopathie chez les nouveau-nés connaissent une résurgence inédite. Face aux alertes lancées par le Collège américain des gynécologues-obstétriciens sur l'augmentation de la mortalité dans la première année de la vie des enfants qui ont quitté la maternité trente heures après la naissance, une loi fédérale a été votée. Ainsi, le New Born and Mother Protection Act interdit qu'on fasse sortir les mères avant quarante-huit heures.
En tout état de cause, pour l'Académie, il ne s'agit pas de revenir aux pratiques d'avant les années 1950, où les femmes devaient passer trois semaines alitées à la sortie de couches. Mais le départ de la maternité est et doit rester une décision médicale prise en concertation avec l'obstétricien, le pédiatre et les parents.
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