Le Généraliste : Les récents cas de tuberculose rapportés coup sur coup dans deux établissements de la région parisienne ont fait évoquer un « retour de la tuberculose » en France. Qu’en est-il exactement?
Delphine Antoine : On ne peut pas vraiment parler de recrudescence de la tuberculose en France ! Certes, l’accroissement du nombre de cas observé entre 2006 et 2007 se poursuit (de façon moins marquée) en 2008 mais cette augmentation semble surtout liée à une amélioration de la détection et de la déclaration des cas. C’est un peu l’effet « plus grande sensibilisation » sur la tuberculose liée au débat qui a eu lieu sur le BCG, à la mise en place des programmes de lutte antituberculeux, etc.
Avec 5758 nouveaux cas déclarés en 2008, soit une incidence de 9 pour 100000, la tuberculose reste une maladie rare en France.
L’augmentation des formes résistantes dans certains pays a été pointée du doigt récemment par l’OMS. Qu’en est-il en France ?
En France, on recense tous les ans, entre 0 et 2 cas de tuberculose ultrarésistante et 50 de tuberculose multirésistante, soit 2% de l’ensemble des cas ce qui correspond à un niveau considéré comme faible et relativement stable depuis plusieurs années. Et comme il y a en général une prise en charge assez précoce des cas et que l’on dispose des outils diagnostiques et des traitements de deuxième et troisième ligne ad hoc, la transmission des résistances reste limitée
Quel a été l’impact de la levée de l’obligation vaccinale sur la couverture vaccinale par le BCG et sur l’incidence de la tuberculose ?
Pour le moment, on ne dispose pas encore de tous les éléments permettant d’évaluer complètement l’effet de cette mesure sur la couverture vaccinale des populations à risque. Les données indirectes (données de vente de vaccin, études réalisées en médecine libérale et en PMI), font état d’une couverture insuffisante dans les populations concernées. Une étude réalisée en médecine générale en particulier montrait que 68% des enfants d’île de France étaient couverts par le BCG alors que dans cette région, le BCG est recommandé pour tous les enfants. Mais la couverture vaccinale avait diminué dès Janvier 2006 c’est-à-dire avant la levée de l’obligation vaccinale, en particulier à la suite de l’arrêt de la commercialisation du monovax qui a compliqué l’administration du vaccin.
On observe également peu d’impact sur l’épidémiologie de la maladie. Les formes graves, méningites notamment, reste en nombre très faible et n’augmentent pas depuis plusieurs années. Le nombre de cas déclarés chez les enfants de moins de 3 ans a un peu augmenté en île de France depuis 2006 mais reste à un niveau comparable à celui observé en 2005 avant la levée de l’obligation vaccinale…
Va-t-on vers une réintroduction de l’obligation vaccinale au moins dans certains départements ?
C’est une décision qui relève du ministère de la santé mais je ne pense pas qu’on aille dans ce sens. D’autant que cette hypothèse a été évoquée en Seine St Denis, département où justement la couverture vaccinale est particulièrement bonne, de l’ordre de 94%.
En conclusion, les dernières données épidémiologiques françaises concernant la tuberculose vous semblent-elles plutôt rassurantes ou inquiétantes ?
Ces données ne sont pas inquiétantes mais il faut rester vigilant et continuer à surveiller ce qui se passe .
Tout l’enjeu est de maintenir l’expertise dans les zones où la maladie est devenue rare et d’adapter la lutte antituberculeuse aux personnes les plus exposées dans les zones où l’incidence de la maladie est plus élevée. Avec un rôle clef pour le généraliste, le meilleur outil de la lutte antituberculeuse restant un diagnostic, une déclaration des cas et une mise sous traitement les plus rapides possibles
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