Quelle place pour les complémentaires santé ?

Pas de grand soir mais un copilotage

Publié le 29/09/2008
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LE «GRAND DÉBAT» que Nicolas Sarkozy avait promis, il y a un an, entre ce qui doit relever de l'assurance obligatoire et de la prise en charge individuelle n'a toujours pas eu lieu. Pour nombre d'experts, ce n'est pas demain la veille qu'il interviendra.

Lors de la septième conférence annuelle « assurance santé », organisée à Paris par « les Échos » et « le Quotidien », la plupart des acteurs concernés ont écarté l'hypothèse d'un « grand soir » aboutissant à déléguer aux complémentaires santé la gestion au premier euro de secteurs entiers de soins (ce que demande le Medef et certains assureurs).

Depuis plusieurs années, la prise en charge globale de la Sécu est stabilisée à hauteur de 77 % de la dépense de santé (un effort qui se concentre de plus en plus sur les ALD). Les complémentaires (mutuelles, assureurs privés et institutions de prévoyance) se positionnent en deuxièmes financeurs (14 %) devant les ménages (9 %). «Au regard des masses financières, il n'y a aucun miracle à attendre des transferts du régime obligatoire vers les complémentaires, explique Jean-François Chadelat, auteur d'un rapport remarqué sur le sujet en 2003, aujourd'hui directeur du fonds CMU. On a un cheval et une alouette!» Pour autant, ajoute-t-il, «il serait regrettable de se priver de la contribution que les complémentaires pourraient apporter, ne serait-ce que par la mise en place d'une meilleure gestion du risque». Cet expert estime qu' «il ne faut pas s'attendre à une révolution» (le basculement intégral hors Sécu de pans de soins), mais à une évolution vers la «corégulation» régime obligatoire-régimes complémentaires avec «un pilote et un copilote».

Van Roekeghem pour des « stratégies communes ».

Le directeur général de l'assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, souligne qu'il n'y a pas, contrairement à certaines idées reçues, de «désengagement» globalde l'assurance-maladie, mais un positionnement sans cesse accru du régime obligatoire sur les pathologies lourdes chroniques (60 % de la dépense aujourd'hui, 70 % demain) et l'hôpital. D'où la stratégie de la Sécu visant à mieux gérer les risques lourds, en développant par exemple des programmes d'accompagnement de patients chroniques (« Sophia » sur le diabète, demain, l'asthme), mais aussi en améliorant l'efficience du système de santé. Faut-il développer des «stratégies communes» avec les complémentaires santé ? Frédéric van Roekeghem y est favorable sous réserve que les différentes familles du secteur de la complémentaire puissent s'entendre et s'engager ensemble (la réponse ne va pas de soi car les assureurs santé veulent garder leur liberté contractuelle). Le PLFSS 2009 va en tout cas prévoir l'association systématique de l'UNOCAM (Union nationale des organismes complémentaires d'assurance-maladie) à la négociation des conventions avec les dentistes et les opticiens. Mais d'autres dossiers lourds seront traités dans un cadre tripartite (Sécu, professionnels, complémentaires) dont celui du secteur optionnel dans la mesure où les nouveaux compléments d'honoraires seront solvabilisés par les organismes complémentaires.

Au nom de la Mutualité française, Christine Meyer revendique ce partenariat .«Nous ne voulons pas des transferts qu'ils soient comptables, explicites ou implicites,résume-t-elle. Mais nous sommes preneurs d'une évolution desrapports qui permette un vrai copilotage du système de santé, des contreparties qualitatives et des prises en charge plus pertinentes, notamment sur lerisque chronique, en amont des ALD.» La Mutualité est par exemple disposée à financer de nouveaux forfaits ciblés sur certaines pathologies (« le Quotidien » du 24 septembre). Quant à la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), elle défend surtout… son propre savoir-faire en matière de gestion du risque et ses «résultats» sur l'optique et le dentaire (plate-forme de conseils et de services, prix négociés à la baisse, baisse du reste à charge). Échaudé par l' «incident» de juillet (protocole d'accord signé entre le gouvernement et la seule Mutualité française), le directeur santé de la FFSA, Alain Rouché, juge qu'avant d'envisager des stratégies communes «l'UNOCAM mérite d'être refondée».

> CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8429