De notre correspondante à New York
Le neuroblastome est une tumeur maligne développée au niveau de la chaîne sympathique ou de la médullosurrénale. Il est constitué d'éléments analogues à ceux des ébauches embryonnaires du sympathique. C'est la deuxième tumeur la plus courante chez l'enfant, touchant 1 enfant sur 7 000. Dans 40 % des cas, il est diagnostiqué avant l'âge de 1 an.
Le pronostic est meilleur chez les enfants plus jeunes et en cas de tumeur localisée. De plus, le neuroblastome peut être détecté, au stade préclinique, par le dépistage urinaire des métabolites des catécholamines. Une question se pose alors : le dépistage urinaire systématique du neuroblastome, à l'âge de 6 mois ou 1 an, pourrait-il, en permettant un traitement plus précoce, prévenir les métastases et en réduire la mortalité ?
Au Japon, des programmes de dépistage systématique du neuroblastome à l'âge de 6 mois ont été mis en place depuis les années soixante-dix. Des premières études ont suggéré qu'il en résulte une amélioration de la survie. Toutefois, ces études ne sont pas sans problèmes méthodologiques.
Plus récemment, en 1996, une première analyse d'une étude, menée au Québec, qui a évalué le dépistage du neuroblastome à l'âge de 3 semaines et de 6 mois, a indiqué que si le dépistage augmente bien le nombre de cas détectés au stade préclinique, il ne réduit pas pour autant l'incidence des tumeurs avancées.
A 6 mois ou 1 an
En 1998, une conférence de consensus internationale déconseillait par conséquent le dépistage systématique du neuroblastome à 6 mois. Les résultats finaux de l'étude menée au Québec, ainsi que ceux d'une autre large étude prospective conduite en Allemagne, sont publiés cette semaine dans le « New England Journal of Medicine ». Ils tranchent définitivement la question : le dépistage à 6 mois ou 1 an ne réduit pas la mortalité du neuroblastome.
L'étude menée au Québec, de Woods et coll., a comparé une population dépistée - tous les enfants nés sur place entre 1989 et 1994 (92 %, soit plus de 476 000 enfants) - à plusieurs populations témoins nées, durant la même période, dans trois régions différentes d'Amérique du Nord. Résultat, le taux cumulé de mortalité infantile par neuroblastome sur une période de neuf ans n'est pas plus faible dans la cohorte du Québec (4,78 pour cent mille enfants) que dans plusieurs cohortes non dépistées d'Amérique du Nord. Ce taux est semblable au taux observé au Québec avant le programme de dépistage.
Le dépistage un peu plus tard, à l'âge de 1 an, n'est pas non plus bénéfique. Dans l'étude allemande, de Schilling et coll., près de 1,5 million d'enfants nés entre 1994 et 1999 dans six länder allemands ont été dépistés, cette fois-ci à l'âge de 1 an. Ils ont été comparés aux enfants (plus de 2 millions) nés dans les 10 autres länder allemands. Là encore, le dépistage à un an ne réduit pas plus l'incidence de tumeur métastatique que la mortalité. Les risques potentiels du dépistage sont soulignés dans cette étude : trois enfants, parmi ceux chez qui un neuroblastome a été découvert, avaient une tumeur localisée et sont décédés des complications du traitement (chirurgical ou chimiothérapeutique).
Deux entités
Ces deux études étayent l'hypothèse selon laquelle il existe au moins deux entités cliniques et biologiques du neuroblastome. Une forme, au pronostic favorable, peut être détectée par le dépistage, mais elle est associée à un taux très élevé de régression spontanée ou de maturation en ganglioneurome bénin. Une seconde forme de mauvais pronostic, rarement détectée par le dépistage, et qui ne paraît pas être concernée par cette intervention de santé publique.
En conclusion, ces résultats ne sont pas en faveur du dépistage de masse du neuroblastome, que ce soit à 6 mois ou a 1 an. Il peut même être néfaste lorsqu'il conduit au traitement de tumeurs qui auraient régressé spontanément.
« New England Journal of Medicine », 4 avril 2002, pp. 1041, 1047 et 1084.
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