« L'UTILISATION systématique de dexaméthasone ne devrait pas être pratiquée après la naissance en prévention ou en traitement des affections pulmonaires chroniques dues à la prématurité », recommandent des médecins de Taïwan (Tsu F. Yeh et coll.) dans le « New England Journal of Medicine ». Cette prescription, expliquent-ils, conduit à des effets délétères marqués sur les fonctions neuromotrices et cognitives arrivé à l'âge scolaire.
Leur étude a été mise en place entre octobre 1992 et avril 1995 auprès de nouveau-nés pesant entre 500 à 1 999 g. Tous étaient atteints de détresse respiratoire sévère et mis sous ventilation dans les six premières heures de vie. Mené en double aveugle, leur travail avait pour objectif d'évaluer le devenir des fonctions supérieures de ces enfants quelques années plus tard. Les bébés traités recevaient 0,25 mg/kg de dexaméthasone toutes les douze heures, pendant une semaine, puis des doses décroissantes pendant trois semaines.
Arrivés à 8,3 ± 0,9 ans.
De fait, les médecins avaient déjà constaté, alors que les enfants de la cohorte avaient 2 ans, des altérations de la croissance et du développement neurologique. L'article publié aujourd'hui dans la revue américaine rapporte les données de ces mêmes enfants, alors qu'ils sont arrivés à 8,3 ± 0,9 ans. Le constat montre des séquelles du traitement à l'âge scolaire.
En ce qui concerne la taille, les enfants traités par corticoïdes (n = 72) sont significativement plus petits que les autres (n = 74). Pour les garçons, les chercheurs relèvent 122,8 ± 7,4 cm, contre 126,4 ± 5,8 cm pour les témoins ; chez les filles, respectivement 121,3 ± 5,4 cm, contre 124,7 ± 5,6 cm. Le périmètre crânien subit également les mêmes atteintes (49,8 ± 2,6 cm, contre 50,6 ± 2,1 cm).
L'habileté motrice est altérée, de même que la coordination et l'intégration visuomotrice. Les médecins chinois y voient la conséquence directe de la baisse des performances motrices.
Des tests de QI ont été réalisés. Les enfant traités ont des scores plus bas (78,2 ± 15, contre 84,4 ± 12,6). Les scores verbaux de QI montrent une atteinte, de même que les scores de performance du QI.
Des explications sont proposées. Des travaux chez l'animal ont montré que des doses pharmacologiques de dexaméthasone conduisent à des perturbations des divisions cellulaires cérébrales, de la différenciation, de la myélinisation et des réactions électrophysiologiques. Des travaux plus récents suggèrent que les corticoïdes pourraient diminuer le volume de la matière grise cérébrale. Ce qui pourrait expliquer la différence de périmètre crânien dans l'étude. En outre, un volume subnormal de la tête a déjà été associé à des troubles de la cognition. Les auteurs constatent d'ailleurs que les enfants les plus atteints ont un périmètre crânien significativement plus petit que les enfants indemnes.
Un retard de croissance.
Des craintes ont déjà été formulées à propos du retentissement des corticoïdes sur la croissance somatique. Ces molécules altèrent la taille des cellules et la synthèse d'ADN, chez l'animal en tout cas. D'autres travaux ont montré une atteinte de la synthèse d'os minéral sous corticothérapie, avec diminution de la vitesse de croissance osseuse. De fait, constatent les Chinois, la majorité des enfants avec un retard de croissance à l'âge scolaire étaient déjà petits à 2 ans. Il est encore impossible de dire si le traitement aura un retentissement sur la poussée de croissance pubertaire et, par conséquent, sur la taille adulte.
En comparant les données actuelles et celles relevées à l'âge de 2 ans, les investigateurs constatent que les enfants modérément atteints à cette époque ont récupéré des tests et une taille normaux. Les plus marqués par les effets du traitement le sont encore vers 8 ans.
« New England Journal of Medicine », vol. 350, n° 13, 25 mars 2004, pp. 1349-1351 (éditorial) et 1304-1313.
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