De notre correspondante
«DEPUIS longtemps, une importante question se pose sur l’utilisation des corticoïdes en traitement des patients atteints d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (Sdra), et de quelle façon», observe le Dr Elisabeth Nabel, directrice du National Heart Lung and Blood Institute (Nhlbi, NIH), qui a financé l’étude. «Nous disposons maintenant de meilleures données sur l’effet de ce traitement.»
En réponse à une septicémie, un traumatisme, une inhalation du contenu gastrique, ou d’autres événements sévères, l’organisme peut réagir en développant une inflammation aiguë des poumons. Elle se caractérise par une perméabilité vasculaire accrue, une extravasation du plasma, et une infiltration leucocytaire ; cette association est appelée syndrome de détresse respiratoire aigu. Tandis que sa phase précoce concerne tous les patients, une partie d’entre eux seulement présente une phase tardive, caractérisée par une fibrose pulmonaire.
Le traitement de chaque phase du Sdra est une gageure, puisque l’hypoxémie met souvent en jeu le pronostic vital et qu’aucun traitement pharmacologique efficace n’est disponible. On estime que la mortalité du Sdra varie de 30 à 50 %. Le traitement, en service de réanimation, comprend une ventilation mécanique à volume contrôlé et à haute concentration en oxygène. L’affection étant liée à une inflammation des poumons, l’espoir s’est tourné vers la corticothérapie.
Doses modérées à la phase tardive.
A la phase aiguë, les corticoïdes se sont révélés décevants. L’administration de doses modérées à la phase tardive (plus de 7 jours après le début) s’est montrée prometteuse dans de petites études, dont l’une randomisée. Il restait par conséquent à confirmer cette donnée par une vaste étude.
Le réseau des essais cliniques sur le Sdra, établi par le National Heart Lung and Blood Institute (Nhlib), publie les résultats d’une grande étude multicentrique randomisée de corticothérapie en phase tardive du Sdra.
L’étude, commencée en 1997, porte sur 180 patients hospitalisés dans 25 centres américains. Les patients recevant une ventilation mécanique depuis 7 à 28 jours après le début du Sdra ont été affectés par randomisation à deux groupes : l’un traité par des doses modérées de méthylprednisolone IV et l’autre sous placebo IV. Ils ont été suivis pendant 6 mois.
Les résultats sont décevants. Le taux de mortalité à 2 mois, le premier point sur lequel était jugée l’efficacité, ne diffère pas entre les groupes corticoïde (29 %) et placebo (28,6 %). De même, la mortalité à 6 mois n’est pas différente (31,5 % contre 31,9 %).
Un certain nombre de bénéfices.
Toutefois, la corticothérapie a été associée à un certain nombre de bénéfices pulmonaires et cardio-vasculaires : elle a augmenté le nombre de jours sans ventilation, le nombre de jours sans choc pendant le premier mois ; amélioré l’oxygénation artérielle, la compliance pulmonaire et la TA. De plus, elle n’a pas majoré le risque de complications infectieuses.
Mais la corticothérapie est associée à un risque accru de complications neuromusculaires, incluant des faiblesses musculaires sévères qui nécessitent une rééducation intensive et prolongée.
Lorsque les investigateurs ont examiné le sous-groupe des patients chez lesquels la corticothérapie a été débutée entre 7 et 13 jours après l’apparition du Sdra, la mortalité à 2 mois et à 6 mois s’est révélée un quart plus faible que dans le groupe placebo (27 % contre 39 % à 6 mois), mais cette différence n’était pas significative.
Toutefois, dans le petit sous-groupe des patients (n = 23) pour lesquels la corticothérapie a été débutée à un stade plus tardif, plus de 14 jours après l’apparition du Sdra, la mortalité à 2 mois et 6 mois s’est montrée quatre fois plus élevée comparée au groupe placebo (44 % contre 12 % à 6 mois). «Les médecins, les patients et leurs familles, devront débattre si les effets positifs des doses modérées de corticoïdes l’emportent sur les risques de complications neuromusculaires», observe le Dr Gordon Bernard (Nashville).
« New England Journal of Medicine » 20 avril 2006, p. 1671 et 1739.
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