REFERENCE
Biofilm ou plaque
Les maladies parodontales correspondent à des états inflammatoires d'origine infectieuse (biofilm dentaire ou plaque dentaire) localisés au parodonte. Si seul le parodonte superficiel (la gencive) est atteint, alors on parlera de gingivite. En revanche, on parlera de parodontite dans le cas d'une atteinte du parodonte profond (cément, tissu conjonctif, os alvéolaire).
Bactéries
Le développement et l'installation du processus pathologique impliquent la présence de bactéries qui, au cours de l'évolution de la santé gingivale vers la parodontite, montre une évolution de la composition de la flore bactérienne sous-gingivale, avec le passage d'une flore aérobie Gram positif vers une flore anaérobie et Gram négatif. Par ailleurs, ces bactéries parodontales pathogènes possèdent des facteurs de toxicité directe, essentiellement des enzymes protéolytiques, diverses exotoxines (comme la leucotoxine) et des endotoxines membranaires.
Poches
Cependant, la destruction des tissus parodontaux résulte principalement d'une cascade d'événements inflammatoires déclenchée par la présence des bactéries et des endotoxines dans le parodonte. Cette destruction parodontale aboutit à la formation de poches parodontales, le long des racines dentaires, qui deviennent rapidement le siège d'une destruction intense et les tissus sont fragilisés (micro-ulcérations).
Au stade de parodontite avancée, les tissus parodontaux sont largement ulcérés, ce qui facilite la dissémination sanguine du contenu des poches parodontales (les bactéries présentes dans les poches, ainsi que leurs endotoxines, peuvent envahir le tissu conjonctif sous-jacent et pénétrer ensuite dans les capillaires sanguins dilatés). Par conséquent, au départ des foyers de parodontite, on peut observer la libération, dans la circulation sanguine, à la fois des médiateurs inflammatoires (essentiellement des cytokines), des bactéries parodontopathogènes (essentiellement des bactéries Gram négatif et anaérobies) et des composés bactériens (endotoxines).
Libération dans la circulation
Cette libération peut être susceptible d'induire des réactions systémiques secondaires. Par exemple, la libération dans la circulation sanguine des cytokines IL1 bêta et TNF alpha (cytokémie) déclenche rapidement une réaction systémique secondaire complexe, mais aspécifique. Cette réaction de phase aiguë est destinée à rétablir au plus vite l'homéostasie tissulaire et à cicatriser les tissus atteints par l'infection parodontale, mais elle est caractérisée par une augmentation de la production et de la libération de certaines protéines plasmatiques (PPA).
L'OMS
Selon les données épidémiologiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 90 % des individus présentent, à un moment donné, des signes cliniques d'inflammation gingivale. Parmi la population adulte, 50 % seront confrontés uniquement aux formes mineures et réversibles de la maladie parodontale (gingivite), tandis que 40 % développeront des formes agressives de parodontites.
Au sein des populations occidentales, les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité, l'athérosclérose et ses complications aiguës étant responsables de la moitié des décès. S'il est à ce jour bien établi que le principal facteur lié au développement de l'athérosclérose est le taux de cholestérol sanguin, et plus particulièrement les fractions lipoprotéines auxquelles il est associé (LDL et VLDL), certains travaux récents montrent que certaines cytokines pro-inflammatoires (principalement IL1 bêta et TNF alpha) et certains marqueurs plasmatiques de l'inflammation (notamment les protéines de la phase aiguë : PPA) peuvent clairement influencer l'athérogenèse et/ou la thrombogenèse.
Depuis quelques années, la théorie d'une étiologie infectieuse pour l'athérosclérose et ses complications aiguës connaît un certain regain d'intérêt. Malgré la disparité de leurs protocoles expérimentaux, les études cas-témoins et les études de cohorte s'accordent pour confirmer l'existence d'une relation entre les infections parodontales et les affections cardio-vasculaires. Pour certains auteurs, il semblerait que les infections parodontales profondes (parodontites) auraient une influence sur, à la fois, l'apparition et la sévérité de l'athérosclérose. Pour d'autres, elles augmenteraient le risque de crises cardiaques et d'accidents vasculaires cérébraux, ainsi que le taux de mortalité totale et cardio-vasculaire.
Etudes prospectives
Par ailleurs, les résultats des études prospectives convergent également pour montrer que l'infection parodontale est un facteur de prédiction pour l'apparition d'événements cardio-vasculaires aigus, tant chez des coronariens connus que chez des sujets indemnes de pathologie cardiaque.
Enfin, la présence d'une parodontite sévère chez des individus particulièrement jeunes augmenterait considérablement le risque d'apparition des complications vasculaires. A ce jour, on admet que plusieurs mécanismes peuvent expliquer la corrélation entre la parodontite et les cardiopathies coronariennes : théorie du thrombus infecté, théorie de l'inflammation métastatique ( via endotoxémies et cytokémies), théorie du phénotype hyperinflammatoire ( via une prédisposition génétique), théorie de l'altération du métabolisme lipidique.
Par conséquent et en accord avec les critères énoncés par les épidémiologistes et en raison d'une meilleure compréhension des phénomènes potentiellement impliqués, un lien de causalité peut désormais être suspecté.
Des résultats constants et cohérents
Les résultats des études réalisées jusqu'à ce jour sont extrêmement constants et cohérents et leur accumulation exclut de plus en plus le fait d'un lien fortuit entre les infections parodontales à bactéries Gram négatif et les maladies cardio-vasculaires. Les études d'incidence, où l'infection parodontale précède l'apparition des problèmes circulatoires et la mise en évidence d'un gradient biologique entre les deux affections, sont deux éléments qui contribuent, eux aussi, à la reconnaissance d'une relation causale.
L'infection parodontale pourrait donc être à l'origine de métastases infectieuses et/ou inflammatoires initiant ou exacerbant une pathologie cardio-vasculaire dont l'évolution pourrait être sous la dépendance de facteurs génétiques. Aussi, toutes ces nouvelles données scientifiques devraient désormais gouverner la politique de santé publique et faire systématiquement partie des préoccupations de tous les dentistes, médecins et patients.
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