A la une du « Monde » daté du 31 août : « Luc Montagnier a prescrit au pape un traitement miracle. » Le même jour, le Vatican ne confirmait pas que le Souverain Pontife ait suivi le conseil. En fait de traitement miracle, il s'agit de deux antioxydants, l'un d'entre eux étant un extrait de papaye fermenté.
M. Pierluigi Vagliani, secrétaire général de la Fondation mondiale recherche et prévention SIDA, que préside le Pr Montagnier, explique au « Quotidien » que le scientifique français ne souhaite pas s'étendre sur cette information, d'autant qu'elle touche à des produits commercialisés. Il explique que Luc Montagnier a rencontré le pape cet été au nom de la fondation, qui, travaillant en Afrique avec les institutions religieuses, souhaitait un appui de l'Eglise. Au cours de l'entretien, Luc Montagnier s'est inquiété de la santé du pape. A titre personnel, sans chercher à interférer avec les médecins qui le suivent, il a informé le pape qu'il prend lui-même régulièrement le cocktail antioxydant. Et lui aurait simplement conseillé les mêmes molécules. Toujours selon P. Vagliani, Luc Montagnier a rédigé une lettre pour l'équipe médicale du pape.
Cet entretien est resté de l'ordre du privé. Il vient d'être mis au jour à la suite d'une indiscrétion.
Paramètres du système immunitaire
Luc Montagnier semble convaincu de l'utilité de l'extrait de papaye fermenté en tant qu'antioxydant. Dans une lettre d'information, « Nutranews », éditée par la Fondation pour le libre choix, il affirme en prendre en cas de rhume. Il rapporte également un essai, de cet antioxydant, chez une douzaine de patients atteints de sida. L'étude a été menée dans le centre de la fondation à Abidjan (CIRBA). L'extrait de papaye fermenté, lorsqu'il est ingéré après une trithérapie, diminue la multiplication du virus et fait remonter les paramètres du système immunitaire, notamment les CD4+. On constate également une amélioration de l'état du patient avec prise de poids. Luc Montagnier précise que les antioxydants ont des propriétés antivirales, immunomodulatrices ; elles préviendraient du vieillissement et des affections neurodégénératives, telle la maladie de Parkinson.
Dans cette dernière affection, dont souffre le pape, l'efficacité des antioxydants n'a jamais été démontrée, précise le Dr Marc Ziegler, hôpital Léopold-Bellan (Paris). « Les antioxydants sont un serpent de mer », poursuit-il. L'origine de la maladie de Parkinson n'est pas connue. Une participation génétique existe peut-être de façon faible. Des facteurs environnementaux sont suspectés, mais non identifiés. « Dans la dégénérescence des neurones dopaminergiques interviendraient des phénomènes oxydatifs. La mort neuronale serait liée à une hyperoxydation avec formations de radicaux libres. » Un argument est apporté par l'expérience du MPTP. Depuis de nombreuses années, cette substance consommée par des toxicomanes avait entraîné une maladie de Parkinson en quelques semaines. Le toxique avait créé des lésions mitochondriales dans la voie nigro-striée par défaut d'oxygène.
De tels arguments, « convaincants sur le papier », ont conduit, au milieu des années quatre-vingt, à un essai que rappelle le Dr Ziegler. L'étude DATATOP avait enrôlé quelque trois cents parkinsoniens, répartis en trois groupes. Ils ont reçu, pendant environ deux ans, soit de la sélégéline, soit un antioxydant (le tocophérol), soit un placebo. L'antioxydant n'a pas fait mieux que le placebo dans le ralentissement de la maladie. Par la suite, certains ont prescrit un antioxydant, mais la prescription s'est amenuisée dans le temps pour disparaître des ordonnances. Quant à la papaye, elle ne fait pas partie des molécules expérimentées dans le Parkinson.
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