CE VENDREDI SOIR, le député socialiste Serge Blisko a organisé un « pied d'immeuble » à la rencontre des habitants dans une cité de la dixième circonscription de Paris (à cheval sur les 13e et 14e arrondissements), où il brigue un troisième mandat. Mais un orage terrible s'abat sur la capitale et noie ses projets de démocratie participative sous des trombes d'eau. La venue en soutien du maire de Paris, Bertrand Delanoë, a été annulée et les habitants, à l'exception d'une poignée de courageux, sont restés chez eux. Le député et son équipe de campagne ne s'attardent pas.
Un novice aurait été contrarié par cette météo capricieuse. Serge Blisko ne donne pas de signes d'agacement. Même si la sérénité du sortant a ses limites : il n'a pas hésité à saisir le CSA pour un reportage de France 3 qu'il jugeait «totalement déséquilibré», à son détriment .
Elu ici depuis 1997, après avoir déboulonné Jacques Toubon, cet ancien médecin généraliste de secteur I (il a exercé dans le quartier des Gobelins pendant vingt ans jusqu'en 1998) se voit dans la peau du favori. Au deuxième tour de la présidentielle, Ségolène Royal n'a-t-elle pas réalisé un score spectaculaire dans la circonscription (56,4 %), et distancé Nicolas Sarkozy de près de 7 000 voix ? Serge Blisko perçoit un signe «encourageant», y compris pour son action locale (il est également maire du 13e arrondissement) . Dans ce Paris coupé en deux, il compte aussi sur l' «effet Delanoë». Et appelle ses électeurs à créer un «contrepoids démocratique» en élisant un député de gauche dans une France à droite. Mais, dans cette circonscription mélangée, où de beaux immeubles bourgeois et des maison cossues côtoient tours HLM et quartiers très populaires, il faut ratisser large. Il mène une campagne «de proximité, de lien social», insiste aussi sur les «valeurs», l'école, le respect des jeunes et des immigrés . Bref, résume-t-il, «les fondamentaux restent bons».
L'UMP a bien l'intention d'enrayer cette mécanique et de créer la surprise en (re)conquérant cette dixième circonscription, ancrée à gauche depuis dix ans. Certains sondages évoquent une vague bleue dans la foulée de l'élection présidentielle. Cette déferlante va-t-elle tout emporter, y compris les fiefs socialistes parisiens ? «Le climat national n'est pas bon pour nous», concède Serge Blisko. Un autre ténor PS du secteur, Jean-Marie Le Guen, candidat dans la circonscription voisine, admet qu'il faut «mobiliser» les électeurs sonnés par la défaite. Pour la première fois, Serge Blisko n'affronte pas Jacques Toubon. En soi, c'est un petit événement. Pour conduire la bataille, l'UMP a joué la carte de la nouveauté, de la féminité : elle a investi le Dr Véronique Vasseur, médecin des hôpitaux, novice en politique mais forte personnalité atypique dont le profil social et humaniste peut séduire à gauche. En 2000, son best-seller – plus de 150 000 exemplaires – qui dénonçait les conditions scandaleuses de la vie carcérale à la maison d'arrêt de la Santé, où elle fut médecin chef pendant neuf ans, l'avait fait connaître du grand public. On avait découvert cette femme courageuse raconter la faillite et la honte des prisons françaises. Une onde de choc. Cinq ans plus tard, elle récidive, si l'on peut dire, avec «L'hôpital en danger», qui relance le débat sur le délabrement du service public hospitalier. Une femme volontaire, issue de la société civile, qui ne boude pas les médias : le profil a soulevé l'intérêt de l'état-major UMP. «Sarkozy est venu me chercher en novembre 2006», explique-t-elle d'une voix presque timide, avant de préciser : «Personne ne m'a obligé.» Elle n'a pas résisté à l'appel du «Kennedy français, le seul capable de faire les réformes indispensables.» A participé à la rédaction du projet législatif de l'UMP (volet pénitentiaire) et même pris sa carte. Mouvance radicale «tendance Borloo». A 55 ans, après avoir posé des diagnostics sur les maux de notre société, et beaucoup critiqué les administrations (pénitentiaires, hospitalières), le Dr Vasseur est prête à proposer des remèdes, sans renoncer à sa capacité d'indignation. «A l'Assemblée nationale, il faut des gens avec un regard neuf et la rage de bouger.» Pendant six mois, elle a accepté de s'investir totalement dans cette campagne menée à «un rythme d'enfer». «Je ne pense plus à rien d'autre, j'ai négligé mes copains, ma famille.» Sur les marchés, elle a de «très bons retours, persuadée que de nombreux socialistes la choisiront . «C'est jouable.»
Dans cette circonscription où François Bayrou a réalisé un de ses meilleurs scores (22,9 %), une incertitude réside dans le score de la candidate du Mouvement démocrate, Danièle Auffray, une adjointe… de Bertrand Delanoë qui a quitté les Verts pour rallier le parti centriste.
La droite, amie du social.
Véronique Vasseur ne supporte pas l'étiquette «de gauche» que beaucoup lui collent .«Ce sectarisme est insupportable. On peut être de droite, aimer les gens, écouter les plus démunis, faire du social, de l'humain.» Variante de la réplique de Giscard à Mitterrand en 1974 : «Vous n'avez pas le monopole du coeur.»
L'ouverture pratiquée par Nicolas Sarkozy la convainc. Elle n'hésite pas à dire que Bernard Kouchner a été un «superministre de la Santé», que Martin Hirsch «a fait un excellent travail à Emmaüs». Elue, dit-elle, elle ne se glissera «dans aucun moule». A ceux qui l'imaginent secrétaire d'Etat sur des affaires sociales ou de société, elle répond… qu'on ne lui a rien promis. Et se défend d'avoir été grisée par le succès. «De toute façon, j'ai un mari et des enfants qui ne me loupent pas.»
Entre le Dr Blisko et le Dr Vasseur, l'heure n'est plus au «cher confrère, chère consoeur». La campagne s'est durcie. Elle accuse son adversaire de «cumuler» (député, maire) sans agir. «Par quoi a-t-il brillé?» Dans un tract, elle interpelle son adversaire. «Qu'avez-vous fait en tant que député pour humaniser les prisons? Pour les demandeurs d'asile? Pour réguler une immigration massive?» Pas en reste, il l'attaque sous l'angle du parachutage, de l'inexpérience. «Elle dit qu'elle ne connaît pas grand-chose au quartier et pas grand-chose à la politique. Je me pose une question: qu'est-ce qu'elle fait là?» Véronique Vasseur a déjà la réponse : elle incarne le changement réclamé du personnel politique et se verrait bien devenir le poil à gratter de l'Assemblée nationale.
> CYRILLE DUPUIS
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