Arts
Si la lecture de l'art se fait dans le creuset de l'Histoire, son évolution se structure sur un jeu de correspondances défiant les frontières, offrant l'image d'une géographie utopique.
Dans le passé, c'était le déplacement des artistes, allant d'un chantier à l'autre, qui véhiculait les idées nouvelles. Au XIXe siècle, ce sont les échanges fructueux entre métropoles artistiques qui vont solidifier les courants, voire les susciter, et, surtout, donner une cohérence historique à l'art, reflet des sociétés qui se reconnaissent en lui.
Il y aura Paris-Berlin, Paris-New York, mais aussi, dans l'ordre des possibles, Paris-Vienne, Paris-Londres, une série de ponts jetés d'une ville à une autre pour montrer qu'elles échangèrent leurs artistes, se confrontèrent, pour finalement se fondre dans le courant de l'art qui s'internationalise sans abandonner un certain cachet local.
Entre Paris et Barcelone, il s'est ainsi créé un jeu d'échanges particulièrement intense, à partir de l'Exposition Universelle accueillie par la capitale catalane en 1888. Une exposition ambitionne de le restituer, jusqu'à la participation de l'Espagne à l'Exposition Universelle de Paris, en 1937, où figure l'uvre emblématique de Picasso, « Guernica ».
La marque de Gaudi
La « fin de siècle » est marquée par un renouveau des arts décoratifs et la mise en place d'un style qui couvre toutes les disciplines associées à l'art de l'environnement (architecture, design, objets). Si la France se targue de la studieuse et inventive Ecole de Nancy, Barcelone avance un des génies de l'époque Gaudi, dont la verve étourdissante, la prolifique action sur le décor architectural vont fasciner toutes les générations qui lui succèdent. Il est significatif que le surréalisme, largement actif dans ce duo Paris-Barcelone, va ancrer quelques-uns de ses rêves les plus actifs sur une uvre inachevée et ambitieuse dont Barcelone porte encore la marque.
La vie artistique « fin de siècle » est, dans la capitale catalane, un parfait reflet de celle qui, à Paris, génère des établissements aussi déterminants pour la vie artistique que Le Chat Noir. Els Quatre Gats devient, lui aussi, une sorte de laboratoire central de la vie artistique. A côté de ses créateurs, des artistes intimement liés à la vie artistique « fin de siècle » : Casas, Rusino, Utrillo, un certain Picasso le fréquente, qui va « monter » à Paris alors en pleine ébullition artistique. Il y rencontre la force d'invective picturale de Toulouse-Lautrec, Degas, Manet, dont il se nourrit. Mais dans sa trajectoire, il s'ancre bientôt, en compagnie de Braque, dans la géométrie naturelle au paysage catalan qui devient l'amorce du cubisme. Une sorte de rappel à l'ordre des formes qui va combler toute une génération avide de préceptes nouveaux pour fuir les académismes.
Le lien du surréalisme
La première guerre mondiale altérant la vie artistique parisienne, c'est à Barcelone que certains de ses membres les plus éminents vont poursuivre leur aventure. Exilés, Charchoune, Cravan, Robert et Sonia Delaunay, Picabia, Marie Laurencin, tissent des liens de complicité autour des formes nouvelles qui vont faire le lien entre le cubisme et l'explosion de « dada », né, lui, en Suisse. Cette agitation va se développer au sein du surréalisme, dont nombre des membres les plus éminents sont des Catalans ou apparentés, comme Luis Bunuel, Miro, Dali. Si le surréalisme se veut international, l'apport de Barcelone y joue une part considérable, et l'attrait du pays, de son paysage, constitue un instrument propre à fortifier le lien de deux métropoles. C'est ainsi qu'André Masson, dans son périple à Tossa de Mar, va alimenter son uvre d'une flamme et d'une ardeur propre à la tradition locale, entraînant son ami l'écrivain Georges Bataille dans cette aventure.
De même qu'il a réhabilité toutes les formes possibles d'expression, le surréalisme a joué un rôle important dans la reconnaissance de la photographie comme expression d'art. Man Ray et Dora Maar apportent au groupe barcelonais l'esprit d'aventure qui est au coeur de leur démarche. En retour ce sont les sculpteurs Gargallo et Julio Gonzalez qui vont susciter tout un développement de la sculpture de fer, avec la technique de la soudure à laquelle Picasso ne sera pas insensible.
Picasso encore, mais dans le mariage intime de l'art et de l'Histoire, va, dans les ombres de son atelier de la rue des Augustins, à Paris, élaborer l'uvre la plus grandiose de cette époque, évoquée ici par des uvres préparatoires, « Guernica » . L'image de la tragédie d'un pays et, à travers elle, d'une époque qu'elle annonce en 1937.
Galeries Nationales du Grand-Palais. Jusqu'au 14 janvier 2002.Tous les jours sauf le mardi de 10 h à 20 h, le mercredi jusqu'à 22 heures. Entrée : sur réservation dans les FNAC, Virgin, ou au 0892.684.694 (de 10 h à 13 h) 57 F, sans réservation (à partir de 13 heures) 50 F. Un important catalogue édité par la RMN.
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