I. L'ENDOSCOPIE
Voir et prélever
La variabilité en quantité et l'intermittence de l'élimination des ufs des larves ou des kystes font des examens parasitologiques des selles une méthode diagnostique parfois difficile et prise en défaut. L'endoscopiste a la possibilité de voir et de prélever sur les sites d'élection du tube digestif soit à l'aveugle, soit devant des lésions évocatrices. Il peut apporter une aide déterminante au diagnostic.
L'amibiase, le plus souvent diagnostiquée par l'examen de selles à l'état frais, peut se traduire en endoscopie par une recto-colite ulcéreuse avec les classiques ulcérations en coup d'ongle. La biopsie colorée à l'hématoxylline ferrique (HES) mettra en évidence les trophozoïtes hématophages.
La giardase peut être diagnostiquée par aspiration du liquide duodénal en endoscopie, montrant de nombreux trophozoïdes, mais aussi par la découverte de ceux-ci tapissant la muqueuse sur une biopsie duodénale colorée à l'HES ou au Giemsa.
La cryptosporidose peut être diagnostiquée par la découverte de sporozoïtes fixés au niveau de la bordure en brosse des entérocytes sur une biopsie duodénale colorée à l'HES ou au Giemsa.
La présence intracellulaire de sporozoïtes d'Isospora belli est beaucoup plus difficile à diagnostiquer sur une biopsie. La rentabilité de l'examen parasitologique des selles pour la découverte des oocystes spécifiques est plus importante pour cette protozoose.
La contribution de la biopsie duodénale n'est pas négligeable dans le diagnostic des microsporidies. Des amas de spores d' Enterocytozoon bienusei peuvent être mis en évidence dans les cellules intestinales après coloration au Giemsa.
Si la découverte des ufs dans les selles reste le meilleur moyen de faire le diagnostic des nemathelminthiases, l'endoscopie digestive haute peut montrer :
- une duodénite purpurique ou apthoïde en cas d'anguillulose avec découverte d'adultes, d'ufs et de larves enfouis dans la muqueuse sur une biopsie duodénale ;
- une duodénite à gros plis avec présence d'adultes d'ankylostomes fichés dans la muqueuse parfois visible à l'oeil nu et confirmé par la biopsie.
La rectosigmoïdoscopie met parfois en évidence un aspect des rectocolites ulcéro-hémorragiques avec de multiples filaments mobiles fichés dans la muqueuse. Il s'agit d'une colite hémorragique par infestation massive de trichocéphales.
Parmi les plathelminthes, seuls les schistosomes peuvent avoir une expression endoscopique macroscopique quelle que soit l'espèce concernée.
Les couples migrent vers les plexus veineux splanchniques, chaque espèce ayant un territoire préférentiel mais non exclusif. Les femelles fécondées pondent des milliers d'ufs dans les veinules périviscérales. Les ufs doivent traverser la paroi du capillaire puis celle de l'organe creux pour être éliminés. Le mécanisme de migration fait appel à des moyens mécaniques et biochimiques ; de nombreux ufs vont rester bloqués dans la paroi et se comporter comme des corps étrangers autour desquels vont se former des granulomes. Ce phénomène de migration inachevée rend compte de la bilharziose, maladie avec une prédilection pour le rectosigmoïde. Le passage transpariétal entraîne une élimination des ufs dans les selles, irrégulière dans le temps, ce qui diminue la sensibilité des examens parasitologiques. La rectosigmoïdoscopie permet la mise en évidence des lésions endoluminales macroscopiques qui ne sont présentes que dans 50 % des cas alors que la biopsie examinée à l'état frais après dilacération révèle la présente constante de nombreux ufs et permet de les typer et d'évaluer leur vitalité. L'examen de trois biopsies élève la sensibilité de cette technique à 95 %. De multiples aspects pathologiques ont été décrits :
- soit spécifiques : à type de granulations blanchâtres saupoudrant la muqueuse, parfois confluantes, réalisant des images en pastilles ; plus rarement à type de polypes bilharziens jaunâtres ;
- soit non spécifiques : à type de suffusions hémorragiques ou d'ulcérations.
Des aspects de rectite grave associant différents aspects peuvent se rencontrer.
L'examen histopathologique des biopsies met en évidence le granulome bilharzien centré par un uf.
L'anisakidose est une helminthiase très particulière. Il s'agit de l'impasse parasitaire d'un nématode de mammifère marin. Les ufs d'anisakis éliminés dans la mer deviennent des larves qui contaminent des crustacés, eux-même absorbés par des poissons dont la chair va contenir des larves de ce nématode. C'est la consommation de ces poissons courants (morue, hareng, lieu noir) crus ou faiblement fumés qui est la cause de cette parasitose. Les larves pénètrent dans la paroi du tube digestif et s'y enkystent réalisant un granulome éosinophile.
L'expression clinique est bruyante, réalisant un syndrome douloureux épigastrique aigu. L'endoscopie digestive haute montrera de fins filaments blancs fichés dans une surélévation de la muqueuse gastrique. Parfois, le granulome est intestinal, pouvant réaliser un tableau chronique douloureux voire subocclusif, le diagnostic étant fait à l'examen anatomopathologique de la pseudotumeur inflammatoire.
II. TRAITEMENT
Médical
(Se reporter aux tableaux parus dans la première partie)
Le traitement des protozooses est bien codifié et efficace, mis à part pour la cryptosporidiose où seule la paromomycine à forte dose semble avoir une certaine action, et pour les microsporidioses à Enterocytozoon bienusei où la fumagilline est en cours d'évaluation.
L'apparition de la nouvelle génération des benzimidazolés (Albendazole, Flubendazole, Mebendazole) a modifié et simplifié le traitement des helminthiases par la polyvalence de leur action. La découverte du praziquantel a transformé le traitement des schistosomiases. Le large spectre d'action de l'ivermectine a permis de simplifier et de sécuriser le traitement de l'anguillulose qui nécessitait auparavant l'emploi du thiabendazole avec les inconvénients de ses effets secondaires.
Rôle thérapeutique de l'endoscopie
L'ascaris s'introduit volontiers dans les orifices naturels du tube digestif : l'appendice, mais surtout la papille par laquelle il remonte dans le cholédoque, créant souvent un ictère obstructif avec syndrome angiocholitique. L'endoscopiste peut découvrir l'ascaris enclavé dans la papille et l'extraire à la pince, guérissant ainsi le malade.
Les larves d'anisakis fichés dans la muqueuse gastrique ne sont pas sensibles aux antihelminthiques. Le seul traitement efficace est l'exérèse endoscopique à la pince de chaque larve.
La pratique d'une endoscopie peut apporter une aide importante en visualisant des lésions évocatrices. Cette aide peut devenir déterminante lorsque les biopsies affirment le diagnostic, ou lorsque la pince permet l'extraction du parasite.
Références :
Apport de l'endoscopie au diagnostic des parasitoses digestives. Klotz F.., Martet G., Debonne J.- M., Guisset M. « Gastroentérol Clin Biol » 1994 ; 18 : 113-117.
Les parasitoses autochtones. Recco P. « Le Digestif », 1997 ; 13 : 13-24.
Diagnostic et traitement des parasitoses digestives (sauf amibiase). Bouchaud O., Aumaitre H. « Encycl Med Chir » (Elsevier, Pris), Gastroentérologie 9-062-A-40-1999-138
Parasitoses intestinales. Klotz F., Debonne J. M. In« Gastroenterologie » 2, Coll. Intermed., Paris, Ed Doin 1998 : 13-28.
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