Le VIH infecte les cellules cibles par l'intermédiaire d'un complexe formé par le CD4 et un récepteur de chimiokine, principalement CCR5 ou CXCR4. D'une manière générale, la transmission du VIH1 se fait par les variants à tropisme pour CCR5 (ils sont également désignés comme « non inducteurs de syncytia », ou « à tropisme macrophagique »). Ils sont donc prédominants pendant les premiers stades de l'infection, mais persistent fréquemment pendant tout le cours de la maladie.
A l'opposé, les variants du VIH1 utilisant CXCR4, sont typiquement détectés pendant les stades tardifs de la maladie et ils sont associés à un déclin rapide des lymphocytes CD4 et à l'évolution vers le stade SIDA.
La progression de la maladie est associée, on le sait, aux infections ou réactivations de micro-organismes opportunistes. Le virus herpès de type 6 (VHH6, qui est aussi le virus de la roséole), agent lymphotropique, est l'un d'entre eux.
La théorie du VHH6 cofacteur, selon Gallo
Le VHH6 a déjà fait parler de lui en tant que cofacteur de l'infection, selon l'hypothèse de certains chercheurs, tel le Pr Robert Gallo (Etats-Unis), d'après des observations in vitro, non confirmées toutefois par les études séro-épidémiologiques (lire « le Quotidien » du 6 mars 1996).
En travaillant ex vivo sur du tissu lymphoïde humain (produit d'amygdalectomie de routine et non pour des raisons cliniques), Jean-Charles Grivel, Leonid Margolis et coll. montrent une interaction biologique complexe entre le VIH1 et du VHH6, les deux virus partageant un tropisme pour le même récepteur.
On a infecté des tranches d'amygdales par du VHH6 seul ou en combinaison avec du VIH1 provenant de deux souches biologiques distinctes : un variant à tropisme pour CXCR4 et un variant à tropisme pour CCR5. La coïnfection par le VHH6 affecte différemment la réplication du VIH1 selon son variant. La réplication du variant utilisant CCR5 est inhibée, alors que celle du VIH1 utilisant CXCR4 est légèrement augmentée.
L'expérience réalisée sur du tissu lymphoïde humain de patients infectés par le VIH1, pour se rapprocher de la situation in vivo, a produit le même résultat ; l'inhibition de la réplication est significative pour les VIH1 s'accrochant à CCR5, tandis que l'augmentation est légère pour ceux à tropisme pour CXCR4.
L'étude de la réplication du VHH6 dans des tissus coïnfectés par les deux virus montre une augmentation d'environ 50 % de la réplication dans le tissu portant le prototype de VIH1 à tropisme pour CCR5 et une diminution de 25 % à 80 % de cette réplication en présence du VIH1 à tropisme pour CXCR4.
La chimiokine RANTES
Les auteurs démontrent que l'effet passe par une chimiokine liant CCR5, RANTES (Regulated upon Activation, Normal T-cell Expressed and Secreted), dont la production est accrue dans les tissus infectés par VHH6 seul ou en coïnfection avec le VIH1. Une relation significative est établie entre la réplication du VHH6 et la production de RANTES, avec un « effet tissu » ; autrement dit, cette activation n'est significative que dans certains tissus (non amygdaliens, en l'occurrence).
RANTES est connue pour être la chimiokine possédant le pouvoir inhibiteur sur le VIH1 le plus important parmi les chimiokines. L'adjonction de RANTES exogène reproduit les effets de VHH6 sur le VIH1. « Ce qui donne une voie de recherche pour un blocage sélectif des VIH1 à tropisme pour CCR5 », postulent les auteurs.
« Le VHH6 pourrait ne pas être unique à moduler la réplication du VIH1. » D'autres agents infectieux pourraient en effet avoir des effets similaires, comme cela a récemment été argumenté. Ainsi en va-t-il de certains virus hépatitiques (virus GB C, qui pourrait ralentir la progression de la maladie par le VIH), du virus de la fièvre fluviale du Japon. Ces microbes pourraient agir en stimulant les chimiokines ou d'autres cytokines modulatrices de l'infection.
« Nature Medicine », volume 7, 11 novembre 2001, pp. 1232-1235.
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