Devant la recrudescence des affections infectieuses depuis un quart de siècle, dont le SIDA, maladie émergente majeure, le système de santé français est-il à la hauteur ? Les structures de soins existantes sont-elles en mesure de répondre aux risques d'importation de nouvelles infections, en dehors du bioterrorisme qui fait l'objet, depuis peu, d'un dispositif spécifique ?
Parmi ces infections, une pandémie grippale et certaines fièvres hémorragiques virales à haut potentiel contagieux sont « des hypothèses dont la probabilité de survenue en France ne peut être écartée devant, d'une part deux alertes récentes à Hong Kong, avec l'émergence d'un nouveau virus grippal et, d'autre part, les épidémies de fièvres à virus Ebola, Lassa (qui bénéficie à ce jour d'un traitement) et Marburg en Afrique dans les cinq dernières années, avec importation de cas en Europe », dit au « Quotidien » le Pr René Roué, infectiologue et clinicien.
Membre du Haut Comité de la santé publique, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital militaire Bégin de Saint-Mandé (Val-de-Marne), le Pr Roué vient de remettre à Bernard Kouchner une étude apportant des éléments de réponse à ces questions formulées par le ministre délégué à la Santé lui-même dans une lettre de mission datée du 17 mai 1999. Il faut souligner tout d'abord, selon lui, qu'avec les fièvres de type Ebola il n'y a de risque que nosocomial et non épidémique. La parade est d'ouvrir des « sites pilotes de référence, militaires et civils, deux ou trois, capables d'accueillir des sujets porteurs de virus ou suspectés de l'être ». « L'hôpital Bégin, précise-t-il, entre dans ce cadre. Grâce à des moyens d'isolement adaptés et des équipes entraînées, nous avons reçu, depuis 1999, sept cas suspects, qui n'ont pas été confirmés. Parallèlement, les pouvoirs publics doivent se doter de moyens de transports, terrestres et aériens, ad hoc et sécurisés. »
Face aux fièvres hémorragiques virales, « la sécurité se fonde d'abord sur l'application par tous des mesures de sécurité standard de protection individuelle et des mesures de protection. Le vaccin antipneumococcique peut être particulièrement utile ».
Grippe : surveillance internationale
Maintenant, quelle attitude adopter en cas de pandémie grippale ? La plus meurtrière de tous les temps, qui a sévi en Espagne en 1918-1919, a fait entre 20 et 50 millions de morts, et aurait touché jusqu'à la moitié de la population mondiale. La solution dépasse de loin les compétences de la Cellule Grippe animée par la direction générale de la Santé (DGS), qui travaille en dehors de toute « cassure virale ». En la circonstance, la surveillance, avec le concours de l'Institut de veille sanitaire, doit prendre une dimension internationale. Et il faut la renforcer au niveau de l'Organisation mondiale de la santé. « Il y a lieu d'anticiper les risques. »
A l'échelon français, il est recommandé que la Cellule Grippe de la DGS actualise, chaque année, en fonction de l'évolution des techniques, les mesures à prendre en cas de pandémie. L'important, laisse entendre le Pr René Roué, est d'être efficace pendant la période qui précède la fabrication du vaccin, c'est-à-dire « de un à trois mois ». « L'anticipation doit porter sur la définition des priorités dans l'accès aux services de soins, aux médicaments antiviraux et aux nouveaux vaccins. » L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et les instances européennes seront des relais précieux pour déterminer s'il existe des possibilités de recourir à des médicaments contre le virus de la grippe. Dès le début de la pandémie , il faudra « stimuler le dispositif de pharmacovigilance pour détecter les effets indésirables des traitements à visée asymptomatique de la grippe, et renforcer le dispositif de rétro-information en direction des prescripteurs et des urgentistes, pour les avertir des pièges diagnostiques liés aux effets indésirables médicamenteux connus. Lorsque sera reconnu à l'échelon mondiale une pandémie à virus grippal non vaccinal, il faudra définir les populations à risque, établir des rapports bénéfice/risque des antiviraux en prophylaxie et en curatif et évaluer les conséquences psychologiques et sociales de l'exclusion ou de l'absence de prophylaxie médicamenteuse. »
L'étude suggère de mettre en place un site officiel télématique d'information sur la pandémie.
Enfin, il est indispensable, pour le Pr René Roué, de revoir l'organisation des spécialités en France, vieille de vingt ans, compte tenu de l'évolution des risques infectieux. Concrètement, le HCSP appelle à la création d'une « spécialité clinique des maladies infectieuses et tropicales ».
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