Le développement d'un vaccin contre le plasmodium reste une priorité pour toute stratégie de santé publique dans le monde. L'efficacité relative dont vient de faire preuve un vaccin expérimental en Gambie retient donc l'attention.
Ce vaccin, pour le moment dénommé RTS,S/AS02, est développé en Belgique par GlaxoSmithKline Biologicals.
La préparation est complexe et comporte une protéine RTS, une protéine de fusion associant la partie C-terminale de la protéine circumsporozoïte de P. falciparum (souche NF54), y inclus la séquence répétée R et les épitopes T, à l'antigène de surface S du virus de l'hépatite B.
La préparation comporte également de l'HBsAg libre, et un nouvel adjuvant, AS02.
Depuis 1997, divers essais ont montré un effet protecteur du vaccin vis-à-vis de la souche homologue NF54. L'étape suivante consistait à apprécier l'efficacité de la préparation vis-à-vis d'infections naturelles, génétiquement hétérogènes.
Un essai a donc été mené en Gambie, par des médecins gambiens, britanniques, américains et belges. 306 hommes, âgés de 18 à 45 ans ont été recrutés initialement. La moitié d'entre eux a reçu 3 doses du vaccin expérimental, à J0, J28 et J150, la dernière injection coïncidant avec le début de la saison des pluies (de juillet à novembre) et, par conséquent, de la période de transmission. L'autre moitié des sujets recrutés a reçu une vaccination antirabique, recommandée en Gambie. On note que deux semaines avant la dernière injection, tous les participants ont reçu de la sulfadoxine/pyriméthamine, pour, en quelque sorte, « mettre les compteurs à zéro ».
Au total, 250 hommes ont reçu les trois injections, et ont pu être suivis durant les 15 semaines prévues (131 RTS,S/AS02, et 119 contrôles). Le vaccin expérimental s'est révélé bien toléré, ce qui confirme les données préliminaires obtenues par ailleurs. En ce qui concerne l'efficacité, 81 participants du groupe RTS,S/AS02 et 80 du groupe contrôle, ont développé une parasitémie durant le suivi. La densité des parasites était équivalente dans les deux groupes, de même que le risque d'apparition d'une symptomatologie. En revanche, les infections ont été observées significativement plus tard dans le groupe spécifiquement vacciné contre le plasmodium. Dans ce groupe, l'incidence est ainsi de 2,9 par personne-année, contre 3,4 dans le groupe contrôle. En tenant compte de différentes covariables, âge, utilisation de moustiquaire, village, concentration des anticorps anti-circumsporozoïte, l'efficacité du vaccin est de 34 %.
71 % pour les neuf premières semaines
Le problème est que cette efficacité diminue avec le temps : de 71 % lorsque l'on ne considère que les neuf premières semaines de suivi, elle s'effondre à 0 % pour les six dernières.
Pour expliquer le phénomène, les auteurs envisagent l'existence, parmi les participants, d'une variabilité non indentifiée de la prédisposition à l'infection. Ils se rabattent cependant sur l'hypothèse d'une réponse protectrice de courte durée, en fait beaucoup plus vraisemblable, puisque le taux d'anticorps anti-circumsporozoïte en fin de suivi avait chuté au niveau du taux relevé après la première injection.
Le stade préérythrocytaire
Pour vérifier les données, l'essai a été reconduit l'année suivante, chez 158 hommes, qui ont reçu une injection de rappel du vaccin RTS,S/AS02 ou du vaccin antirabique. L'injection a été décalée dans le temps, par rapport au schéma de l'année précédente, et pratiquée juste avant les deux mois de plus forte transmission (octobre-novembre). Un taux d'anticorps quatre fois supérieur au taux relevé l'année précedente après trois injections, a été observé. Au terme d'un suivi de neuf semaines, l'incidence des infections s'est établi à 1,9 par personne-année dans le groupe spécifiquement vacciné, contre 2,7 par personne-année dans le groupe contrôle. Enfin, au plus fort de la période de transmission, l'efficacité a été de 47 %.
L'essai établit donc, puis confirme, que la vaccination procure une protection partielle à des adultes partiellement immunisés, vis-à-vis de l'éventail des souches responsables des infections naturelles. C'est déjà beaucoup et c'est une validation du principe de la vaccination dirigée contre le stade préérythrocytaire. La difficulté à résoudre est la brièveté de la réponse, apparement efficace pour une durée comprise entre deux et trois mois.
Selon les auteurs, cette réponse serait d'une utilité limitée en zone de forte endémie, mais pourrait présenter un intérêt dans les régions où la saison de transmission est courte. On note d'ailleurs qu'un essai chez l'enfant est prévu, et se déroulera probablement dans ce cadre.
Quant aux possibilités d'utiliser le vaccin sous sa forme actuelle, en protégeant effectivement les populations, fût-ce partiellement, et en ne sélectionnant pas les souches les plus virulentes, il est prévu de poursuivre les recherches pour associer à la préparation d'autres antigènes, exprimés à d'autres stades du cycle du parasite, pour tenter de prolonger la réponse.
K. A. Bojang et coll. « Lancet « 2001; 358: 1927-34
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