Paludisme : à l'essai, des moustiquaires imprégnées de deux insecticides

Publié le 09/10/2003
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Dans les régions impaludées, les moustiquaires imprégnées d'insecticide sont considérées comme un outil de prévention et de lutte efficace contre les anophèles. Actuellement, l'OMS recommande l'utilisation de pyréthrinoïdes, dont l'action rapide entraîne un effet « knock-down » (paralysie des muscles et du système nerveux après contact avec l'insecticide) avec une mortalité élevée chez les moustiques à des doses très inférieures à celles qui peuvent se révéler toxiques pour les hommes et les mammifères.
Mais, face à l'émergence de souches résistantes chez plusieurs espèces des vecteurs du paludisme - et en particulier de Anopheles gambiae en Afrique tropicale -, les chercheurs de l'unité caractérisation et contrôle des populations des vecteurs de l'Institut de recherche pour le développement ont imaginé une nouvelle stratégie : associer sur une même moustiquaire deux insecticides agissant par des mécanismes distincts, un pyréthrinoïde (la bifenthrine) et un carbamate (le carbosulfan).

Inhibition de l'acéthylcholinestérase

Les insecticides de cette dernière famille agissent en inhibant l'acétycholinestérase, enzyme impliquée dans la dégradation de l'acétylcholine, principal neurotransmetteur chez les insectes. Ces composés n'entraînent pas d'effet « knock-down » puisqu'ils agissent de façon exclusive sur le système nerveux central.
Les résultats d'un récent essai mené dans la région de Bouaké, en Côte-d'Ivoire, montrent que l'utilisation des moustiquaires biimprégnées d'insecticides se révèle efficace en termes de mortalité et de réduction du taux d'affinité sanguine chez des adultes d' A. gambiae et de Culex résistants à l'un ou l'autre des insecticides. En outre, l'effet synergique entre pyréthrinoïde et carbamate offre un net avantage en faveur d'une imprégnation en mélange. Les doses utilisées sont en effet plus faibles qu'en mono-imprégnation et, de ce fait, le coût et la toxicité du traitement restent inférieurs à ceux des moustiquaires mono-imprégnées.

Un effet synergique

L'effet synergique entre les deux insecticides avait déjà été étudié en laboratoire sur des adultes d' A. gambiae sensibles à ces deux classes d'insecticides. La plus efficace des associations testées était celle comprenant 6,25 mg/m2 de carbamate (soit 1/50e de la dose opérationnelle) pour 25 mg/m2 de pyréthrinoïde (moitié de la dose opérationnelle). C'est ce mélange qui a été utilisé dans l'essai sur le terrain en Côte-d'Ivoire. L'utilisation d'une telle association a entraîné un taux de mortalité de 80 % parmi les moustiques, soit près de deux fois ce qui avait été estimé en ne supposant aucune intrication entre les deux produits (41 %). En revanche, la vitesse d'action et l'effet « knock-down » du pyréthrinoïde ont diminué à mesure que la proportion de carbamate était majorée. Cet antagonisme, maximal lorsque l'on associe la dose efficace minimale de pyréthrinoïde et la dose maximale recommandée carbamate, pourrait être imputable à l'action irritante et répulsive de ce dernier qui éloigne les moustiques et ne permet pas un contact suffisamment prolongé avec le pyréthrinoïde pour que celui-ci agisse.

Dr Isabelle CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7401