Le bilan des travaux effectués jusqu'à présent est des plus mitigés, aucun des candidats vaccins antipalustres n'ayant donné de résultats satisfaisants en termes d'efficacité et de persistance de l'immunité. Certes, la recherche publique consacre environ dix fois moins au vaccin antimalarile qu'au vaccin anti-VIH - à l'impact globalement comparable. Il n'en reste pas moins que des dizaines d'essais ont été menés et que le blocage réside bien dans une difficulté intrinsèque de la vaccination contre le Plasmodium, difficulté liée à la diversité des niches occupées par le parasite et à la variabilité de ses antigènes - le problème n'est pas, là non plus, très différent de celui rencontré avec le VIH.
En principe, pourtant, une immunisation est possible, comme le montrent à la fois la possibilité d'acquérir une immunité naturelle, suffisante pour contenir l'apparition d'une maladie symptomatique, et la possibilité d'induire une immunité stérilisante par des sporozoïtes irradiés, transmis par piqûres de moustiques. Pour encourageantes qu'elles soient, ces observations renvoient toutefois à un autre problème : la diversité des réponses observées chez l'homme. L'immunisation naturelle, par exposition répétée, semble en effet reposer sur des anticorps, alors que les sporozoïtes irradiés induisent notamment une immunité des cellules T. En fait, à la question de la diversité antigénique du parasite s'ajoute celle de la diversité des réponses immunes chez l'homme et du type de réponse qu'il faut tenter d'induire.
Le domaine protéique idéal
Pour le moment, on est toujours à la recherche de la protéine ou, plus vraisemblablement, du domaine protéique idéal dans la fonction d'antigène, à la fois exposé, conservé, et doté d'une forte immunogénicité. Les séquences des génomes de Plasmodium vont évidemment donner une ouverture considérable à ces travaux, mais avec le risque de la dispersion : sur les 5 000 à 6 000 protéines que compte le parasite, plusieurs milliers sont a priori candidates.
Une autre option est celle des vaccins à ADN. Les essais chez l'homme se limitent pour le moment à quelques dizaines de volontaires (Américains, Britanniques et Gambiens). Il n'est donc pas question de parler d'efficacité clinique. Mais au moins, des marqueurs d'une immunisation ont été mis en évidence.
Reste, enfin, la possibilité d'associer différentes protéines antigéniques exprimées à un même stade du cycle du parasite, ou à différents stades, ou, encore, un vaccin à ADN renforcé par un vaccin protéique. A condition toutefois de ne pas perdre de vue que le vaccin devra être simple, à la fois pour être administré et, peut-être aussi, pour être produit sur place. A titre indicatif, pour vacciner l'Afrique subsaharienne, la quantité de chaque composant protéique du vaccin à produire chaque année en fermenteur serait de l'ordre du kilogramme, ce qui est tout à fait dans les cordes de certains pays d'endémie.
Depuis quelques années, on constate une multiplication des initiatives publiques ou caritatives en Europe et aux Etats-Unis. Cette évolution est plutôt de bon augure pour franchir les goulots d'étranglement que sont la production de lots vaccinaux d'une qualité suffisante pour des essais cliniques et la réalisation des essais eux-mêmes. En Afrique même s'est développé un réseau qui devrait faciliter ces essais (African Malaria Vaccine Testing Network). Dans le meilleur des cas, toutefois, si l'un des vaccin expérimentaux actuels devait faire preuve d'une efficacité suffisante, il s'écoulerait encore « de nombreuses années », selon les auteurs, avant la validation et la mise en place de structures locales requises pour la vaccination, « tâche qui ne s'annonce pas comme un moindre challenge que le vaccin lui-même ».
T.L. Richie et A. Saul, « Nature », vol. 415, 7 février 2002.
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