« Il faut aider tous les pays touchés en Afrique à changer les protocoles classiques de traitement contre le paludisme pour introduire les nouveaux traitements combinés à base de dérivés d'artémisinine », affirme en préambule le Dr Bernard Pécoul, directeur de la campagne pour l'accès aux médicaments essentiels de MSF. « Il faudrait de 100 à 200 millions d'euros par an pour changer tous les protocoles dans les pays touchés. Pour une maladie qui tue chaque année 2 millions de personnes, le jeu en vaut la chandelle. »
A l'occasion de la Journée mondiale du paludisme, le 25 avril, MSF a choisi de mettre l'accent sur l'accès à des traitements efficaces. Le rapport « Agir maintenant » (Act Now) est un appel urgent aux pays donateurs qui, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, refusent la stratégie des traitements combinés pour des raisons plus économiques que d'efficacité. Les autres, selon MSF, n'ont pas de politique officiellement définie.
Les recommandations techniques formulées en avril 2001 par l'OMS sont pourtant claires : les taux de résistance aux antipaludéens classiques doivent être inférieurs à 5 % ; des taux de résistance compris entre 16 et 24 % justifient l'introduction de traitements combinés à base d'artémisinine, il faut introduire ; au-delà de 25 %, le changement de protocole est impératif.
Or la prévalence du paludisme à falciparum résistant aux traitements ne cesse de croître, surtout en Afrique subsaharienne où les taux de résistance de 25 % à la chloroquine sont largement dépassés.
L'artémisinine et ses dérivés ont prouvé leur efficacité même dans le cas d'infection pharmacorésistante. Puissants, ils agissent rapidement, sont bien tolérés et peuvent être utilisés en complément d'autres traitements. Ils présentent l'inconvénient d'avoir un coût plus élevé qu'une monothérapie classique : 1,50 euro pour une association artésunate-amodiaquine contre 0,10 euro. « Mais ce prix peut être ramené à 0,50-0,80 euro en cas d'utilisation à grande échelle et d'augmentation de la production », estime le rapport.
Une aide financière et technique
Les pays endémiques ne peuvent assurer seuls le surcoût. Sans une aide financière et technique, ils sont réduits à utiliser des traitements antipaludéens devenus inefficaces. Grâce au Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme, trois pays sont en train d'introduire les nouvelles thérapies combinés : la Zambie, le Burundi et la Tanzanie. Mais cela reste insuffisant. En Afrique du Sud, au Kwazulu natal, la stratégie d'un traitement combiné (arthemether/lumefantrine) associée à des mesures préventives, a permis depuis février 2001 de réduire la mortalité de 87 % et la morbidité de 78 %.
MSF, de son côté, « a décidé de passer dans tous ses programmes à la thérapie combinée et d'œuvrer pour que tous les pays touchés fassent de même ».
Par ailleurs, l'association demande aux industries pharmaceutiques européennes de s'engager davantage dans la production de médicaments combinés. En Europe, Novartis, Sanofi-Synthélabo, grâce à des accords avec la Chine, sont les principaux producteurs. L'artémisinine est un alcaloïde extrait d'une plante chinoise de la famille des armoises, Artemisia annua, utilisée depuis deux mille ans. Pour l'heure, il n'y a pas de dérivé synthétique du produit. La plante est maintenant cultivée dans certains pays africains, comme le Kenya, qui a déjà commencé à produire des dérivés de l'artémisinine.
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