Paludisme de la femme enceinte : un pas de plus pour la conception d'un vaccin

Publié le 13/09/2001
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D ES phénomènes biologiques peuvent expliquer pourquoi le paludisme est plus sévère chez les femmes pendant une grossesse, en particulier les phénomènes d'adhésion. Plasmodium falciparum est potentiellement mortel car il est doté d'une propriété particulière : les hématies qu'il infecte s'attachent à l'endothélium vasculaire et restent séquestrées profondément à l'intérieur des parenchymes.

Au niveau du placenta

Chez les femmes enceintes, les hématies infectées sont séquestrées dans le placenta. Les espace intervillositaires du côté maternel forment un amalgame avec les érythrocytes infectés et avec des macrophages.
Sur un plan moléculaire, on sait que les hématies infectées par le plasmodium se lient à la chondroïtine sulfate A (CSA) ou à l'acide hyaluronique exprimés par les syncytiotrophoblaste qui tapissent le placenta. Le CSA, qui n'est présenté nulle part ailleurs dans le système vasculaire, est spécifique de la grossesse.
Le travail de Kirsten Flick et coll. (travail collaboratif suédois et français auquel ont participé les Marseillais Bruno Pouvelle et Jurg Gysin) révèle une voie supplémentaire par laquelle les érythrocytes sont séquestrés dans le placenta, ce qui ajoute des options pour le développement d'un futur vaccin contre le paludisme de la femme enceinte. Ils montrent que l'immunoglobuline G s'adsorbe sur la surface des hématies infectées et les ancre aux récepteurs dits Fc, exprimés par le syncytiotrophoblaste. Ils montrent aussi que l'immunoglobuline G forme un pont permettant l'attache des cellules infectées aux récepteurs Fc du syncytiotrophoblaste.

Ce que devrait contenir un vaccin

Les femmes développent une résistance à mesure qu'elles acquièrent des anticorps contre les parasites liés au CSA, au cours de grossesses successives. Les anticorps qui inhibent l'attache au CSA confèrent aussi une résistance aux isolats de parasites africains et asiatiques.
Cela donne des indications pour la conception d'un vaccin antipaludéen chez la femme enceinte. Déjà, il devrait inclure la « protéine de membrane érythrocytaire 1 » (PfPEMP1), explique Patrick Duffy (c'est un vaste antigène parasitaire, hautement variable, codé par une famille des gènes (« var »), exprimés à la surface des érythrocytes infectés). En outre, les antigènes des parasites placentaires, qui sont la cible de la réponse immunitaire protectrice, représentent des éléments tout à fait intéressants à inclure dans un vaccin (étant donnée la réponse immunitaire protectrice, ils doivent posséder des épitopes conservés d'un certain nombre de formes de plasmodium).
Le travail de Flick et coll. soulève la question de savoir s'il est nécessaire de prendre en compte, dans ce vaccin potentiel, plusieurs phénotypes de parasites, en plus du CSA.

« Science », 14 septembre 2001, vol. 293, pp. 2098-2100.

Dr Béarice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6967