« IL Y A BEAUCOUP trop de traumatismes et de handicaps liés au travail qui seraient évitables. Il ne faut pas les mélanger avec les autres problèmes de santé », souligne Yves Chambarlhac, directeur régional du Travail Paca. Il se félicite donc qu'avec le nouveau plan, la santé au travail ne soit pas « perdue dans la santé publique, même si certains problèmes peuvent interférer ».
Cohérent avec les priorités définies dans le plan national, le plan régional Paca veut l'être avec les problèmes rencontrés dans les entreprises locales et déjà mis en évidence par les réseaux de veille (voir encadré) : cancers professionnels, troubles musculo-squelettiques, surdité, facteurs psychosociaux, accidents du trajet, difficulté dans l'évaluation des risques et dans le décloisonnement des différents acteurs. Ici, les difficultés de prévention au travail sont d'autant plus aiguës qu'il s'agit le plus souvent de petites, voire de microentreprises, comptant moins de dix salariés.
Une large concertation avec les acteurs de terrain déjà habitués à réfléchir ensemble dans les réseaux de veille a permis de dégager des priorités d'action thématiques, mais aussi transversales. Ainsi, la formation des représentants du personnel à la prévention, déjà amorcée, va être amplifiée, notamment dans les entreprises n'appartenant pas au secteur chimique, mais où la présence de produits de ce type passe trop souvent inaperçue : entreprises de nettoyage manipulant des produits potentiellement cancérigènes, garages où l'on se nettoie régulièrement les mains au white-spirit...
Pour le Pr Alain Botta, directeur du laboratoire de biogénotoxicologie de la faculté de médecine de Marseille, qui a participé à l'élaboration du plan régional, « il y a 800 produits reconnus cancérigènes, mais il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg ». Le laboratoire travaille en outre sur les radiations ionisantes dont sont victimes les radiologues industriels ; et il continue à alerter sur les risques des fumées de soudure et ceux du benzène dans le complexe pétrochimique de l'étang de Berre. « Il faut mener des études action, pas seulement des recherches fondamentales », insiste le Pr Botta.
Des formations sont prévues sur la violence et le harcèlement, « plus faciles à constater qu'à traiter de manière préventive ». Pour sa part, l'observatoire régional de la santé va remettre à jour son tableau de bord santé-travail, pour mieux visualiser et alerter sur les accidents du travail et maladies professionnelles et leur évolution.
L'information d'abord.
La première préoccupation des responsables de prévention est de porter les connaissances nécessaires aux salariés concernés et à leurs employeurs (qui ont également été partie prenante dans la préparation du plan régional). « Il ne faut plus que l'on puisse dire, comme pour l'amiante, "On ne savait pas" », insistent-ils, tout en constatant que, chez les salariés eux-mêmes, la prévention ne constitue pas une préoccupation : « Les risques sont minorés, les constats établis une fois la maladie déclarée, il faut inciter aux démarches d'analyse ou d'identification des risques et donner des outils aux militants syndicaux pour faire respecter les règles de sécurité. »
Mais les moyens ne suivent pas toujours les bonnes intentions. Médecins et inspecteurs du travail continuent à déplorer leur manque d'effectifs. Deux ingénieurs, deux inspecteurs et bientôt un médecin supplémentaire vont certes appuyer les équipes de contrôle en place ; mais les inspecteurs rappellent que chacun d'eux est chargé de 300 entreprises de 2 700 salariés et qu'ils ne peuvent aller vérifier les conditions de travail et l'application des règlements partout. « Nous ne sommes pas assez nombreux, reconnaît le directeur régional du Travail lui-même ; le ministère le sait, mais il doit faire des choix et, contrairement aux chercheurs, aux policiers et aux enseignants, nous n'avons pas beaucoup d'alliés dans la population pour valoriser nos missions. » Aussi ceux qui vont mettre le plan régional en action comptent-ils surtout sur la mobilisation des acteurs, déjà effective dans la région. « Nous avons anticipé, rappelle Yves Chamberlhac, et les réseaux déjà en place vont représenter un formidable levier pour nous permettre de prendre le plan régional à bras-le-corps, car on se connaît et on travaille déjà ensemble. »
De nombreux partenaires
La région Paca est la seule de France à avoir inscrit la santé au travail dans son plan Etat-Région. Une démarche qui a permis de créer, il y a cinq ans, des « réseaux de veille et de prévention des risques professionnels » impliquant les partenaires d'une cinquantaine de structures, parmi lesquels des médecins de ville. Grâce à la rencontre, dans ces réseaux, de partenaires de prévention très différents, allant de patrons d'entreprises aux syndicalistes en passant par les inspecteurs du travail et les médecins et ingénieurs de différentes structures, plusieurs actions ont pu être engagées : des études sur les cancers d'origine professionnelle et notamment les leucémies, un carnet de suivi pour les sous-traitants des grandes entreprises, des systèmes interactifs permettant de faire la relation entre une pathologie rencontrée et une exposition professionnelle et impliquant les médecins de ville. Un logiciel didactique aidant à identifier l'origine professionnelle de certaines pathologies est d'ailleurs en cours de validation.
Une lettre d'information mensuelle (Reso-nances prévention) et un site Internet permettent également de diffuser les informations à tous les partenaires de ces réseaux : www.sante-securite-paca.org.
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