LES AVIS des généralistes sont partagés sur les modalités d’application du parcours de soins imposé dans la convention.
Le Dr Robert Andrei possède une clientèle fidèle dans le centre- ville, derrière la Canebière. Pour lui, les choses n’ont pas fondamentalement changé. «Les gens me demandent de les envoyer à un spécialiste, au détour d’une consultation, en général. Quelquefois, la consultation est suffisante, on les dissuade. Mais cela permet aussi d’engager une discussion avec le spécialiste qui sera amené à les suivre. C’est intéressant.» Ses patients ont bien compris les différences de remboursement liées à cette réforme du médecin traitants. «Depuis le 31 décembre, le flux des choix des médecins traitant s’est accentué. Mais on ne pourra voir les effets qu’au bout d’un certain temps, y compris pour la fréquentation des spécialistes. Moi, je regrette surtout ce côté administratif assez lourd.»
D’autres généralistes jugent que les nouvelles obligations sont insupportables. C’est le cas du Dr Félix Nataf, généraliste dans le 14e arrondissement de Marseille (quartiers nord). «Cette exigence administrative devient épuisante. Je peux donner un exemple puisque je travaille aussi dans une maison de retraite. Sur trois heures de consultation, j’ai passé une heure et demie réelle en consultation et une heure et demie en paperasserie; ça devient intolérable!» Dans son quartier classé en zone sensible, les patients ne prenaient pas l’initiative d’aller voir un spécialiste directement. Du coup, les choses n’ont pas vraiment changé. «J’ai toujours plus ou moins dirigé les gens quand c’était nécessaire. C’est toujours le cas. Mes patients ne peuvent pas se permettre de perdre quelques euros sur leur remboursement. Mais pour nous, cette partie administrative est insupportable, comme l’est cette manière de devoir se transformer parfois en policier qui enquête sur l’utilisation de tel médicament...»
Le Dr Jean-Marc Blanc, à Gémenos (Bouches-du-Rhône), n’apprécie pas qu’on l’appelle simplement pour lui réclamer le sésame pour un spécialiste. «Je trouve ça très humiliant et je pense que ça va aller en s’aggravant. Certains ne souhaitent pas notre avis mais veulent simplement obtenir le papier leur permettant une visite chez un spécialiste qu’ils allaient voir tout seul auparavant. Nous ne sommes qu’une courroie de transmission. Bien sûr, j’explique. Quelquefois, je me mets en colère. Mais les gens sont pressés et c’est très difficile de dire non.»
Côté spécialistes, beaucoup de praticiens affirment que la fréquentation a déjà baissé, parfois de manière significative (20 %). «Ce n’est pas vraiment mon cas, nuance le Dr Joël Coste, rhumatologue à Marseille , mais je remarque tout de même que le délai d’attente pour avoir un rendez-vous s’est réduit.»
Plus problématiques sont les questions sans réponse autour des parcours de soins. «Des patients qui venaient me voir depuis longtemps ne savent plus, et moi non plus d’ailleurs, s’ils doivent repasser par un généraliste pour le premier rendez-vous ou à chaque fois. Cela dit, il y a toujours 20% de patients qui viennent sans suivre le parcours de soins. Ils disent pouvoir se le permettre. »
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