Pablo Gargallo entre esprit et matière

Publié le 03/05/2001
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ARTS

PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE

C OMME son compatriote Picasso, et comme lui prénommé Pablo, Gargallo partage sa jeunesse d'artiste entre Paris et Barcelone, sa patrie d'origine.

A Montmartre (peut-être au Bateau-Lavoir) puis à Montparnasse, Gargallo découvre la vitalité d'un monde artistique qui cohabite fraternellement avec les poètes. Il sera de ceux qui seront le mieux compris par eux.
Apollinaire, Max Jacob, André Salmon, Jean Cocteau, Pierre Reverdy s'enchantent de son art qui explore, en sculpture, l'éclatement de la surface du visible comme le fait, dans le même temps, Picasso en peinture. Maurice Raynal souligne que ce dépassement de la surface relève d'un esprit dionysiaque. Maintes de ses figurines ont un aspect dansant, une allégresse séduisante.
A l'aide d'une mince plaque de cuivre découpée, il lève des silhouettes d'une étonnante vivacité d'expression, et curieusement ressemblantes alors qu'elles sont schématisées. Il n'abandonne pas pour autant la taille de la pierre et le modelage qui sont des techniques ancestrales dont il connaît tous les secrets. Il traite le volume avec une plaisante sensualité (« Torse de gitan  »). André Salmon évoque « la surface palpitante de la peau ».
Il traduit en creux la forme que l'on attend en ronde bosse, créant d'expressifs capteurs de lumière qui adoucissent les formes, leur donne une intimité bienveillante qui s'enferme dans une « Maternité  » (1922) où l'on voit encore des traces du cubisme dont il a su tirer un parti original tout en sensualité et spontanéité. Le traitement du métal découpé retrouve toute la liberté du dessin, sa force d'expression. Un subtil jeu de plein et de creux, une manière spécifique de cerner le vide, confère un dynamisme tout à fait étonnant, et qui défie les pesanteurs de la matière. Il n'est pourtant là que dans la grande tradition de ferronniers espagnols qui racontent de véritables histoires sous l'action du feu qui découpe, épluche le métal.
Point de sculpture sans dessin, assurent ceux qui le pratiquent. Pour Gargallo, il est une autre forme d'expression qui n'est pas nécessairement un préambule à une sculpture, mais une finalité. Tout en puissance et pourtant avec des accents de tendresse. On a pu dire que « sa main est l'interprète d'une mesure vivante ».
Pierre Reverdy, figure emblématique d'une rigueur de l'art de son temps, notait qu'il « faisait la juste part, dans ses œuvres, à l'esprit et à la matière, en gardant toute sa noblesse et toute sa signification à la forme ».

Pablo Gargallo, le sculpteur catalan. « Catalan de Catalogne et catalan de l'Ecole de Paris ».
A la Monnaie de Paris, 11, quai Conti, jusqu'au 10 juin. Tous les jours, sauf le lundi, de 11 heures à 17 h 30. Entrée 35/28 F.


Source : lequotidiendumedecin.fr: 6911