DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
MOBILISÉS ! Ils l'étaient tous, ces 400 participants au colloque sur les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), organisé vendredi dernier à Besançon par l'URCAM (union régionale des caisses d'assurance-maladie) de Franche-Comté, la Fédération des maisons de santé comtoises (FEMASAC), la MSA (Mutualité sociale agricole) et la région Franche-Comté. Ces 400 participants n'étaient pas tous médecins, certes, mais ils sont tous impliqués à un titre ou à un autre dans ce qui promet d'être le mode d'exercice libéral d'avenir, tout au moins dans les zones rurales déficitaires en offre de soins.
Car il est indéniable que ces MSP ont le vent en poupe. Roselyne Bachelot a d'ailleurs annoncé récemment que son ministère allait distribuer des aides financières à cent d'entre elles d'ici à la fin de 2008, sans même attendre que sa future loi Santé, patients et territoires n'en dessine plus précisément les contours, et notamment le mode de financement, si possible pérenne. Cet engouement, s'il est positif, n'est malgré tout pas sans danger, comme l'a rappelé Christian Saout, président de la Conférence nationale de santé : «Les MSP risquent de souffrir du syndrome du phénomène à la mode, et nous avons derrière nous l'exemple des réseaux que nous nous sommes tous acharnés à faire crever.» Un médecin averti en vaut deux.
Des conditions nécessaires.
Car l'un des dangers de l'opération n'est pas négligeable, et a été martelé par l'ensemble des participants : sans projet médical rédigé en amont, les MSP ne seront jamais qu'un projet immobilier dont les murs risquent de rester désespérément vides. En d'autres termes, les MSP ne vont pas à elles toutes seules résorber le problème de démographie médicale des zones sous-dotées. Elles doivent donc répondre à un besoin de santé identifié pour emporter l'adhésion des médecins et des patients, et non se contenter de rassembler en un même lieu des professionnels de santé autrefois dispersés. Comme l'a rappelé François Baudier, directeur de l'URCAM de Franche-Comté (qui connaît le sujet puisque son union a déjà participé au montage de plusieurs MSP, et a environ encore 20 projets sur sa table), «dans certaines régions, on a cru que, en se contentant de faire du bâti, ça suffirait. Résultat, ces régions se retrouvent avec du bâti non utilisé». De plus, comme le rappelait un médecin anonyme dans la salle, «il n'y a pas de MSP de type modélisable, chacune doit s'adapter aux réalités locales». Moins simple, donc, qu'il n'y paraît.
Mais si le projet médical, qui repose sur un diagnostic des besoins de la population locale, est l'affaire des professionnels de santé qui envisagent de travailler ensemble (de même que le projet de collaboration professionnelle entre les médecins et les paramédicaux), le financement est l'affaire de tous. Et, au premier chef, des URCAM et des collectivités territoriales qui, voyant les projets se multiplier, ont bien souvent pris le taureau par les cornes sans attendre d'éventuels financements instaurés par la loi. Selon Marie-Guite Dufay, présidente (PS) de la région Franche-Comté, «le conseil régional peut souvent prendre en charge, avec l'URCAM et la MSA, l'ingénierie, les statuts, le foncier, certains financements, sans oublier les questions juridiques».
Car les possibilités d'organisation juridique aussi sont nombreuses. Le Dr Clotilde Ludwig, récemment installée en maison de santé à Besançon, indique ainsi que, pour la mise en commun du matériel, comme l'informatique ou l'autoclave, les médecins de sa MSP ont créé une SCM (société civile de moyens), alors qu'une SCI (société civile immobilière) a été mise en place pour l'immobilier. De son côté, Patrick Choquert, masseur-kinésithérapeute exerçant dans une MSP des Vosges, indique que c'est la commune sur laquelle est installée sa maison de santé qui a fourni le terrain viabilisé, et qui a fourni la maîtrise d'ouvrage. Les professionnels de santé installés dans cette MSP sont donc locataires de la commune.
À l'URCAM Poitou-Charentes comme dans beaucoup d'autres, un guichet unique a d'ailleurs été mis en place pour aider les porteurs de projet de MSP. Ce guichet est essentiellement destiné à les aider à obtenir des financements, qui, outre les collectivités territoriales, peuvent provenir du FIQCS (fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins), mais aussi de l'Europe, par le biais du fonds européen de développement régional ou encore du fonds européen agricole de développement rural.
Ne pas oublier les surcoûts.
Mais les porteurs de projet ne doivent pas s'illusionner, dit en substance le Dr Michel Serin, président de la Fédération nationale des maisons de santé, car «il y a des surcoûts liés à l'exercice en MSP versus l'exercice en solitaire». Ces surcoûts peuvent provenir de la MSP elle-même : une MSP est en effet plus grande que l'addition des cabinets individuels qu'elle réunit car il faut prévoir des espaces de déambulation, des salles d'attente, des pièces réservées au secrétariat, des salles de réunion ou de détente, des toilettes aux normes, ou encore des parkings. Mais il y a aussi des surcoûts à prévoir pour le réseau informatique ou pour le système d'alarme, en matière de secrétariat, ou de coordination entre les différents professionnels, etc. Bref, si les MSP constituent indéniablement une forme d'exercice d'avenir, notamment dans les zones rurales à faible démographie médicale, le chemin qui y mène n'est pas forcément une promenade de santé.
Le colloque s'est poursuivi en plus petit comité sous forme de séminaire. Il en sortira des recommandations qui seront rendues publiques vers la fin de l'été.
Bientôt des expérimentations sur de nouveaux modes de rémunération
À Besançon, Dominique Acker, conseiller général des établissements de santé à la DHOS (Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins), a indiqué que des expérimentations sur de nouveaux modes de rémunération chez les professionnels libéraux seraient prochainement menées, comme « le Quotidien » l'annonçait dans ses colonnes dès le 21 mars dernier. «L'idée, a-t-elle précisé, est de sortir de la rémunération exclusive à l'acte et d'imaginer des systèmes mixtes.» Vingt expérimentations vont donc être menées dans cinq régions, dans des maisons de santé pluridisciplinaires, des centres de santé ou encore des hôpitaux locaux. Trois types de rémunération combinés seront expérimentés, par capitation, à l'acte, et par paiement à la performance. «Le choix des structures où se dérouleront ces expérimentations sera fait avant la fin de l'année», a ajouté Dominique Acker, qui a également énuméré les critères d'éligibilité des établissements à ces expérimentations : il devra s'agir de structures déjà existantes, et fonctionnant sur un mode d'exercice coordonné. Ces établissements devront pratiquer des tarifs opposables et être en mesure d'accueillir des professionnels en formation. Ils devront, en outre, êre dotés de systèmes informatiques permettant le partage des données. «Nous disposons de délais assez courts pour mettre tout ça en route», a conclu Dominique Acker.
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