Les conceptions en vigueur depuis une trentaine d'années sur la pression artérielle à mesurer ont évolué. Un glissement progressif a fait prendre en considération successivement les pressions diastolique, puis systolique et, peut-être, dorénavant, pulsée.
LES RECOMMANDATIONS en vigueur, mises à jour sous l'égide de la Haute Autorité de santé en 2005, rappellent que la décision de prise en charge est fondée tout à la fois sur les valeurs de la pression artérielle et sur le niveau de risque cardiovasculaire global. Elles soulignent également que l'augmentation du risque de morbidité et de mortalité cardiovasculaires est directement liée à l'élévation de la pression artérielle selon une relation continue à partir des chiffres de pression systolique et diastolique. Dans ce texte, les valeurs de la pression artérielle moyenne (PAS - PAD divisée par 2) et de la pression pulsée (PAS - PAD) ne sont ainsi pas prises en compte dans la détermination de ce risque.
Sur le plan théorique, les chiffres tensionnels à considérer devraient permettre de prendre une décision thérapeutique, mais également avoir une valeur pronostique et être adaptés à la réalisation d'études épidémiologiques.
Veterans et Framingham, de la diastolique à la systolique.
Dans les années 1970, le niveau de pression artérielle systolique était considéré comme un paramètre non pertinent. Sa valeur était en effet censée augmenter physiologiquement avec l'âge. C'est ainsi que dans l'étude d'intervention de l'administration des anciens combattants de l'armée américaine (US Department of Veterans Affair), par exemple, publiée en 1970 dans le « Jama », le bénéfice du traitement avait été apprécié en fonction de valeurs de la pression artérielle diastolique.
L'année suivante, en 1971, William B. Kannel et coll., exploitant les données de l'étude de Framingham, ont mis en évidence l'importance de la pression systolique et de la pression pulsée, comparativement à la pression diastolique, pour l'appréciation du risque d'insuffisance coronaire (1). C'est à S. S. Franklin et coll., en 1999, qu'il revient d'avoir souligné l'importance de la pression pulsée sur le risque de survenue d'une insuffisance coronaire (2). En effet, dans ce travail, qui a porté sur 1 924 hommes et femmes de 50 à 79 ans appartenant à la population de l'étude de Framingham, les auteurs ont constaté au cours d'un suivi de vingt ans que, à pression systolique constante, ce risque diminue lorsque la pression diastolique augmente.
J. Blacher et coll., considérant que la pression artérielle est mieux décrite par ses valeurs moyenne et pulsée que par ses extrêmes, systolique et diastolique, ont réalisé une métaanalyse qui a montré l'importance de la pression pulsée (et non de la pression moyenne) dans la détermination du risque cardiovasculaire chez les hypertendus âgés (3). La pression pulsée est en effet largement déterminée par la rigidité des gros troncs artériels.
Dans une revue de la littérature datant de 2000, W. B. Kannel a souligné l'évolution des idées concernant les paramètres tensionnels à prendre en compte pour le diagnostic d'hypertension et la décision de traiter (4).
A la recherche d'une « superpression artérielle ».
Il revient à S. S. Franklin et coll., en 2001, d'avoir examiné l'importance relative des pressions diastolique, systolique et pulsée comme facteurs prédictifs du risque cardiovasculaire en fonction de l'âge (5). Ainsi, globalement, la pression diastolique est un élément prédictif chez les sujets jeunes, alors que la pression systolique est déterminante chez les sujets âgés.
A la recherche d'une « superpression artérielle » permettant éventuellement de rendre compte des mortalités cardiovasculaire et globale, K. Miura et coll. ont comparé les relations entre les pressions pulsée, systolique, diastolique et moyenne et la mortalité à 25 ans par maladie cardiovasculaire (6). Ce travail très ambitieux a porté sur 28 360 participants du Chicago Heart Association Detection Project in Industry, classés par tranches d'âge. Ses résultats suggèrent que le risque cardiovasculaire à long terme des sujets en bonne santé apparente devrait être déterminé par la systolique seule, ou encore par la diastolique et la systolique, mais pas par la pression pulsée.
Dans une métaanalyse, S. Lewington et coll. ont regroupé les données de 1 million d'adultes issus de 61 études prospectives, représentant au total un équivalent de 12,7 millions d'années-personnes (7). Ce travail a confirmé la relation entre la pression artérielle et le risque cardiovasculaire, sans seuil jusqu'au niveau de 115/75 mmHg au moins. Pour chaque incrément de 20 mmHg de systolique ou de 10 mmHg de diastolique entre 40 et 69 ans, le risque de décès d'origine cardiovasculaire était multiplié par deux.
Dans ces conditions, le meilleur objectif thérapeutique consiste à abaisser les chiffres tensionnels. Les essais cliniques anciens ont porté sur la pression diastolique, mais les essais plus récents, comme les études SHEP ou SYST-EUR, ont porté sur l'abaissement de la systolique. Les données de la littérature manquent pour ce qui est de l'abaissement des pressions pulsée ou moyenne.
En 2005, J. G. Wang et coll. ont réalisé une métaanalyse afin de vérifier si les traitements antihypertenseurs contribuent à la diminution du risque cardiovasculaire par un effet sur la systolique ou la diastolique (8) : le bénéfice absolu du traitement est apparu plus important en fonction de son action sur la systolique.
En conclusion, selon le Pr Lantelme, « le meilleur facteur prédictif du risque cardiovasculaire est la pression systolique chez les plus de 50ans et la diastolique chez les moins de 50ans. Le meilleur critère d'efficacité thérapeutique est la réduction de la pression systolique. Les données concernant la pression pulsée sont encore insuffisantes pour que ce paramètre soit pris en considération dans la stratégie de prise en charge ».
D'après la communication du Pr Pierre Lantelme (Lyon) (1) Kannel WB, et coll. Systolic versus diastolic blood pressure and risk of coronary heart disease. The Framingham study. Am J Cardiol. 1971; 27: 335-346.
(2) Franklin SS, et coll. Is pulse pressure useful in predicting risk for coronary heart disease? The Framingham heart study. Circulation 1999; 100: 354-360.
(3) Blacher J, et coll. Pulse pressure not mean pressure determines cardiovascular risk in older hypertensive patients. Arch Intern Med 2000; 160: 1085-1089.
(4) Kannel WB. Elevated systolic blood pressure as a cardiovascular risk factor. Am J Cardiol 2000; 85: 251-255.
(5) Franklin SS, et coll. Does the relation of blood pressure to coronary heart disease risk change with aging ? The Framingham Heart Study. Circulation 2001; 103: 1245-1249.
(6) Miura K, et coll. Pulse pressure compared with other blood pressure indexes in the prediction of 25-year cardiovascular and all-cause mortality rates: The Chicago Heart Association Detection Project in Industry Study. Hypertension 2001; 38: 232-237.
(7) Lewington S, et coll. Age-specific relevance of usual blood pressure to vascular mortality : a meta-analysis of individual data for one million adults in 61 prospective studies. Lancet 2002; 360: 1903-1913.
(8) Wang JG, et coll. Systolic and diastolic blood pressure lowering as determinants of cardiovascular outcome. Hypertension 2005; 45 (5): 907-913.
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