Suite à son courrier paru dans « Le Généraliste » (« Vive la jeune génération », n° 2629, p. 4), je me suis dit qu’une réponse au Dr Delanoy s’imposait.
Je me présente, je m’appelle Matthieu Tourrès, 32 ans, thésé depuis le mois de juillet 2012, et j’ai fini mon internat de médecine générale en novembre 2010. J’ai commencé à remplacer en juillet 2010, soit pendant mon internat. D’abord pour votre gouverne, les études de médecine pour être généraliste, c’est 9 ans et non 8. Et vous pouvez rajouter un an pour le redoublement de la PCEM1. Ce qui nous fait donc 10 ans. Ensuite je vous rappellerai aussi que en tout et pour tout nous ne passons dans ce cursus de 9 ans qu’au mieux 1 an (2 semestres) en cabinet de médecine générale, le reste étant sur le terrain hospitalier. Convenez que pour la découverte du métier, il y a mieux ! Mais ceci n’est pas de notre ressort et n’est pas non plus l’objet de cette réponse.
Oui je suis un jeune « con » de remplaçant qui au sortir de ces 10 ans d’études a eu envie de découvrir un peu ce que c’était que la médecine générale.
10 ans c’est long, l’internat est usant. Vous parliez du « burn out » de votre génération, je vous parle du « burn out » de ma génération. La lecture de cette thèse devrait vous faire prendre conscience que VOTRE génération n’est pas la seule. Voici son titre : Burn out des internes en médecine générale : état des lieux et perspectives en France métropolitaine, elle est parue récemment (2011). Vous la trouverez facilement sur internet. Peut être vous éclairera-t-elle un peu et modifiera-t-elle votre point de vue.
Oui, je suis un jeune « con » de remplaçant qui pourtant est motivé !
Eh oui, au risque de vous choquer, je joins pourtant ces deux mots, remplaçant et motivé ! Laissez-moi vous raconter brièvement mes stages de médecine générale. Pour ma découverte de la médecine générale sur le terrain, j’ai choisi d’aller sur le réseau de Montsauche (Nièvre), Tannay (Nièvre) et Vézelay (Yonne). Regardez ou cela se situe sur une carte, c’est le Morvan, et de la campagne. J’ai adoré ce stage, mais à chaque fois que je rencontrais les enfants de ces médecins, tous me répondaient la même chose quand je leur demandais s’ils avaient trouvé leur père présent. Ils ont tous répondu non !
Cela ne m’a pas empêché de choisir pour SASPAS un terrain de campagne aussi : Chablis et Migennes (Yonne). Eh oui encore en campagne. Et ce stage m’a vraiment permis de me dire qu’un jour je m’installerai. Encore une association de mots qui risque de vous surprendre, pourtant je vous promets que j’existe bel et bien ! D’ailleurs au moment ou j’écris ces lignes, je viens de signer un contrat de collaborateur...
Oui, je suis un jeune « con » de remplaçant qui pense avant tout à ne pas commettre les erreurs de mes aînés.
Et c’est sans doute cela que vous ne pouvez supporter et qui vous a fait écrire ces lignes. Oui nous voulons allier le travail et l’agréable, nous ne voulons pas nous tuer au travail. Vous êtes en « Burn out », que devrions nous faire ? Reproduire le même schéma pour se complaire tous ensemble sur la dure vie de médecin généraliste ? Faire que nos enfants et nos compagnes paient les pots cassés ? Allons soyez sérieux ! Être médecin, c’est écouter et soigner si possible les autres, mais il ne faut pas s’oublier soi-même. Sinon comment peut-on être correctement à l’écoute des patients ? Le sacrifice de soi n’a de valeur que pour celui qui le pratique. Personne n’a intérêt à ce que le Burn Out devienne la norme. Ne nous rendez pas non plus responsable du manque actuel de médecins ! Je vous rappelle que dans les années 1980, nous débutions tout juste notre parcours scolaire !
Oui, je suis un jeune « con » de remplaçant qui fait des gardes !
Je vous laisse vous rasseoir, vous avez dû tomber de votre chaise. Un jeune qui fait des gardes ! Eh oui, j’ai fait des gardes de soir, de nuit, de week-ends, des gardes régulées et non régulées. Eh oui j’ai enchaîné sur des journées de consultations derrière sans grogner ni rechigner. Et simplement parce qu’il fallait les faire, parce que ça fait partie du job. Eh oui, nous sommes aussi des adultes voyez-vous et nous avons une éthique également.
Oui, je suis un jeune « con » de remplaçant qui veut simplement une vie équilibrée.
Une vie équilibrée est sans doute la chose la plus compliquée à avoir. Et pourtant le point sûrement le plus important. Ne pas se faire « bouffer » par le travail, passer du temps en famille et avec ses amis. Parce que je veux voir grandir mes enfants, parce que je veux pouvoir les élever, ne pas rentrer le soir à une heure où ils seront déjà couchés. Parce que j’ai la faiblesse (ou la naïveté) de penser que passer du temps avec ma compagne, avec mes amis, de pouvoir souffler un peu, c’est sain pour l’esprit. Parce que faire des soirées où l’on ne parle pas de médecine mais de pointure, de théâtre ou même simplement de tout et de rien, c’est important. Parce que ne se définir que par le travail n’est finalement qu’une forme d’enterrement avant l’heure.
Bien sûr que la vie fait que cette idée est très idéaliste et que forcement, l’on se fait toujours un peu « bouffer » par le système, mais je pense que nous sommes plus vigilants que votre génération car nous voyons ce que cela a comme conséquences (Burn out, suicides, etc.). Pourquoi voulez-vous que l’on reproduise ces schémas surannés qui ne servent à produire que des médecins frustrés, dépressifs ou aigris ? Tous de votre génération ne sont pas comme ça. J’en connais un qui fut mon maître de stage à Chablis et qui est bientôt en retraite (5-10 ans environ), mène ce genre de vie. Il a réussi à tenir et c’est l’un des médecins les plus épanouis que j’ai pu rencontrer. Donc oui c’est possible.
Non, je ne suis pas un jeune « con » de remplaçant doryphore qui ne pense qu’à son plaisir personnel, qui ne veut remplacer qu’à 5 minutes de mon domicile.
Non, je ne suis pas un jeune « con » de remplaçant qui ne pense qu’au fric, et qui ne vit que pour ça. J’ai fait un DU de PMI pour parfaire mes connaissances. J’ai pris un poste de médecin coordonnateur 2 jours par semaine, figurez-vous que l’on gagne moins qu’en libéral. Et pourtant si j’ai pris ça non ce n’est pas pour glander, mais parce que cela m’intéresse vraiment, que je continue de me former, et que je pense que de toute façon la gériatrie est l’avenir de la médecine générale. Et oh surprise je passe ma journée en maison de retraite mais j’ai aussi des consultations au cabinet avant et après cette plage !
Au final cher confrère, je ne saurais trop vous conseiller de vous investir dans la formation des internes de médecin générale de votre faculté. Je vous conseille de prendre contact avec le Département de Médecine Générale pour vous inscrire en tant que tuteur, que maître de stage. Faites découvrir la médecine générale, votre façon de travailler, aux jeunes générations ! Participez à endiguer cette déliquescence de la culture du métier de généraliste puisque c’est ce que vous pensez. Ainsi, cher confrère, vous verrez du sang neuf dans votre cabinet, peut-être aussi un SASPAS qui vous permettra de décompresser souffler, de prendre du temps pour d’autres activités, (formation, jardinage, paperasses, sport (piscine par exemple), etc.) ou pour vous documenter sur le Burn Out et sur comment le traiter.
Cela commence par revoir sa relation au travail.
Bien à vous, et confraternellement.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature