VOUS VOULEZ critiquer Nicolas Sarkozy et le gouvernement ? Ne vous gênez pas : votre besace d'arguments est pleine à ras bord. Voilà un pouvoir qui avait juré de diminuer les impôts et qui, faute d'avoir su réduire les dépenses, augmente une pression fiscale déjà insoutenable. Voilà un pouvoir dépourvu de toute marge de manoeuvre depuis le début d'une apparente contraction de l'économie. Voilà un pouvoir qui se déjuge, une fois encore, parce que la réalité a pulvérisé ses meilleures intentions. Voilà un pouvoir qui, après avoir engagé une politique économique libérale, revient aux fondamentaux du socialisme et demande aux épargnants, qui ne sont pas tous riches, de financer les plus pauvres, afin d'échapper à la critique de l'opposition qui craignait que, avec la disparition progressive de la prime pour l'emploi, les pauvres paient pour les superpauvres.
Nicolas Sarkozy a néanmoins montré une fois de plus qu'il n'est pas le libéral que l'on dit. Son pragmatisme lui dicte son action en fonction de la conjoncture. Si une réforme est plus importante que la force du dogme, il choisit la réforme.
La clé de voûte du réformisme.
Pourquoi le RSA est-il aussi indispensable ? Parce qu'il est la clé de voûte du réformisme sarkozien, lequel prend tout son sens avec une série de mesures qui encourage le travail. C'est travailler pour gagner, tout court. C'est faire en sorte que le RMIste, l'exclu, le SDF, qui vivent d'allocations insuffisantes à les sortir de la misère, commencent à échapper à leur condition quand ils trouvent du travail, même très mal payé. La nouvelle loi leur permettra de cumuler une partie de leurs allocations et un salaire, de sorte qu'ils ne refuseront plus un travail sous le prétexte qu'il ne leur apporte aucune amélioration de leur condition.
Ce n'est pas un coup de génie, la formule existe ailleurs sous d'autres formes. Ce qui manquait, c'était la volonté de mettre en place le système. De ce point de vue, Martin Hirsch, haut-commissaire aux Solidarités, a fait preuve d'une détermination à toute épreuve. Il a accepté un poste dans une équipe de droite, bien qu'il soit de gauche ; il a subi, comme d'autres, les quolibets de ses anciens amis ; il s'est battu farouchement pour que le financement du RSA soit assuré par des fonds et non par un tour de passe-passe budgétaire ; il a rejeté, sans se fâcher, l'accusation qui le désignait comme le faire-valoir de la droite ; il a eu raison de tous les obstacles et ils étaient considérables.
Qu'on ne nous dise pas que Nicolas Sarkozy n'a pas envisagé, à plusieurs reprises, de renoncer au RSA.
La droite, qui dénonce le projet sous le prétexte qu'il aurait dû être financé par une réduction des dépenses publiques, ne comprend guère que l'application infaillible des dogmes aboutit inévitablement à la paralysie du pouvoir. La gauche, qui mesure les limites de la mauvaise foi, approuve le RSA du bout des lèvres, tout en pratiquant l'habituelle surenchère à propos du bouclier fiscal et du fameux paquet fiscal de 2007, tarte à la crème du débat politique actuel. Le fait qu'elle se réfère sans cesse au TEPA – qui a tout de même permis aux salariés de gagner un peu plus et aux acheteurs de logements de financer plus aisément leur acquisition immobilière – montre la vacuité du débat : le TEPA serait-il la seule faute de Sarkozy ?
Non seulement ce n'est pas une faute, mais c'est un soutien à la croissance, année après année, alors qu'elle fait dangereusement défaut. Il n'y a pas de contradiction dans les décisions de M. Sarkozy : les détenteurs de patrimoine, même quand ils ne sont pas riches, ont tout de même bénéficié d'une loi qui supprime, pour eux, les droits de succession. Ils ne peuvent pas gagner à tous les coups. Maintenant, ils doivent mettre la main à la poche pour combattre l'exclusion. Ce n'est que justice.
UN COUP POLITIQUE QUI RENVOIE A L'OUVERTURE
Le retour du sarkozysme.
Outre qu'il est utile, le RSA replace Sarkozy dans le sarkozysme. De divorce en mariage, de gaffes en contradictions, de faux-pas en dérapages, le message de la rupture se perdait dans le fracas des polémiques. Le voilà qui ressurgit avec force. Je suis de droite, voyez mon bec. Je suis de gauche, voyez mes ailes. Je fais ce qui est bon pour la France. J'engage des hommes et des femmes de gauche et ils accomplissent leur travail. Je n'ai pas d'idée préconçue, pas de préjugé, pas d' a priori. Au moment où la gauche socialiste, érodée par l'ascension du Nouveau Parti anticapitaliste d'Olivier Besancenot, cherche péniblement son unité et sa voie, comment ne pas admettre que, quel qu'en soit le prix, le RSA est un formidable coup politique, qui confirme l'ouverture extraordinaire du premier gouvernement Fillon ? Certes, les temps sont durs, et aucun gouvernement, fût-il de gauche, ne serait mieux armé contre la conjoncture. Mais le courage est sarkozien. Ce n'est pas parce que la croissance nous fait défaut que nous devrions renoncer aux réformes. Il n'est pas impossible que, battu par la crise, M. Sarkozy soit renvoyé au terme de son mandat. Là n'est pas la question. De même que, en Grande-Bretagne, Margaret Thatcher, Premier ministre le plus critiqué de l'histoire du Royaume-Uni, a laissé aux travaillistes une économie saine qui a permis à Tony Blair de triompher en accentuant le réformisme thatchérien, de même il n'est pas impossible que la gauche, en 2012, prenne les rênes du pays. Vous verrez qu'elle ne rétablira pas les 35 heures ; qu'elle ne renoncera pas au paquet fiscal ; qu'elle entérinera le RSA ; et qu'elle revendiquera alors le succès de sa gestion, même s'il n'est produit que par un retour de la croissance.
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