« Le système de santé pose également problème. Là aussi, l’équilibre des comptes dépend en grande partie de la masse salariale. Cela ne veut pas dire que nous allons réduire drastiquement les dépenses de soins. Nous n’allons pas réduire les dépenses, mais nous allons contrôler leur progression. » La citation est de Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, lors d’un entretien avec le Financial Times, le 20 juin dernier. Il signifiait clairement que le secteur de la santé n’allait pas échapper au « coup de rabot » en vigueur actuellement dans les finances publiques. L’hôpital va-t-il être mis à la diète ? Tout l’indique.
Cet entretien suivait de quelques semaines les conclusions de la deuxième conférence sur le déficit en mai, et la remise du rapport Briet. Outre l’abaissement du seuil d’alerte à 0,5% quant au dépassement de l’Ondam, et la mise en place d’une meilleure veille des dépenses de l’assurance maladie, le rapport Briet prévoyait aussi le gel de certains crédits, dont les Migac, un ballon d’oxygène indispensable aux hôpitaux, comme devait le rappeler la FHF, outrée par pareille mesure. Avant même le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale, certaines mesures du rapport Briet étaient immédiatement appliquées. Outre la fixation arbitraire de l’Ondam à 2,9 % en 2011 et 2,8 % en 2010, il est attendu 135 millions d’euros d’économie de la liste en sus de l’hôpital, et 105 millions d’euros provenant du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP). De nouvelles baisses de prix de certains médicaments, attendus en septembre, permettraient d’économiser 100 millions d’euros. Enfin, 180 millions d’euros de crédits seront gelés, et débloqués selon l’évolution de l’Ondam.
Du côté de l’assurance maladie, on pense aussi que l’hôpital dépense trop. Si, mi-juillet, les dépenses de soins de villes progressaient moins rapidement que prévu à 2,7 %, l’assurance maladie se désespérait d’un glissement en 2009 des dépenses des cliniques et surtout des hôpitaux. Un dérapage de plusieurs centaines de millions d’euros (440 millions selon la DGOS), qui a mis dans le rouge l’Ondam 2009, estimé à 3,5 %, alors qu’il avait été voté à 3,3 %. Il n’est pas étonnant, dans pareil contexte, que le décret, qui prévoit la fermeture des blocs opératoires pratiquant moins de 1 500 actes par an, ait été ressuscité en juin, pour être ensuite mis sous le boisseau (à des fins de basse politique).
54 services de chirurgie en ligne de mire
Le décret est fin prêt depuis pratiquement un an, et n’attend plus que sa publication au JO. En juin dernier, le ministère de la Santé est passé à la vitesse supérieure, en faisant fuiter dans la presse, notamment dans les colonnes de Décision Santé et du Journal du Dimanche, que la publication de ce décret, qui prévoit la fermeture des blocs opératoires pratiquant moins de 1 500 actes par an, était imminente. Une manière de tester l’opinion publique sur une mesure jugée inévitable par le gouvernement, tant pour des questions de rationalisation des coûts que de qualité des soins. Mais ô combien impopulaire ! Les réactions n’ont pas tardé. L’Association des petites villes de France (APVF) a très tôt fait connaître son opposition (virulente) à la publication de ce décret. Le lobbying des élus locaux a été telle que la ministre de la Santé a annoncé reculer sine die la publication de ce texte, pour expliquer plus avant et faire œuvre de pédagogie auprès des villes et hôpitaux concernés. Mais le principe de fermeture de certains blocs opératoires à activité réduite n’était pas remis en cause, s’est fait fort de rappeler Luc Chatel, porte-parole du gouvernement. Si c’était le cas, 54 blocs devraient fermer : Paimpol (Côtes d’Armor), Douarnenez (Finistère), Clermont (Oise), Péronne (Somme), Hazebrouck (Nord), Issoire, Thiers, Riom (Puy-de-Dôme), Lannemezan (Haute-Pyrénées) seraient concernés. Pour autant, il n’est pas sûr que la fermeture de ces blocs réduise significativement les dépenses de soins. Une étude menée par la conférence des présidents de CME de centres hospitaliers en 2004, établit en effet « que les fermetures génèrent très peu d’économie pour la collectivité, sauf en cas de fermeture simultanée de la chirurgie et de la maternité ».
Plans sociaux et précarisation des PH
L’adoption des états prévisionnels des recettes et des dépenses (EPRD), repoussée cette année à fin juin, a été l’occasion de revoir à la baisse les effectifs hospitaliers. Que ce soit à Caen, Paris, Marseille ou Strasbourg, des coupes drastiques dans la masse salariale font partie du cortège de mesures adoptées afin de revenir à l’équilibre financier d’ici à 2012, selon la volonté présidentielle (cf. pp. ???). Mais ce n’est pas tout. Pour disposer de personnels plus « souples », les pouvoirs publics sont en train de remodeler les statuts des personnels de direction, ainsi que celui des praticiens hospitaliers (cf. Décision Santé n° 266). Déjà signé par la ministre de la Santé, le décret tant attendu sur le statut de clinicien hospitalier devrait être publié ce mois, voire en octobre. Selon les termes de ce décret, les praticiens hospitaliers qui le souhaitent seraient embauchés en CDD de trois ans, renouvelable une fois. Cette précarisation du statut irait de pair avec une rémunération variable, plafonnée au dernier échelon et majoré de 65 %. Soit 10 000 euros dans le meilleur des cas.
La performance, sous contrat
L’Elysée et Bercy attendent beaucoup, en termes d’économie, des quelque 150 contrats de performance qui devraient être signés avec des hôpitaux d’ici à 2011. « Les 150 projets de performance des hôpitaux participeront également à l’atteinte de ces objectifs [d’économie] dans le secteur hospitalier », rappelait également le relevé de conclusions de la deuxième conférence sur le déficit. Mis en branle par la toute nouvelle Agence nationale pour l’appui à la performance hospitalière (Anap), ces contrats de performance ont pour objectif d’améliorer l’efficience des organisations hospitalières, tant dans les domaines de la prise en charge des usagers, de la performance opérationnelle que des conditions de travail des professionnels. Alors que le ministère de la Santé avait annoncé dans un premier temps, fin 2009, la signature de 50 contrats, Bercy a rectifié en surenchérissant à 150 contrats. Toujours est-il que, jusqu’à présent, un seul contrat a été signé, avec le CHU de Bordeaux (cf. p. ???)… Et, même si Roselyne Bachelot a lourdement insisté, lors de la signature de ce premier contrat en juillet, sur le retour sur investissement financier, le contrat prévoit de développer d’autres thématiques : gestion des lits, des blocs opératoires, réduction des délais d’attente aux urgences… Et le retour à l’équilibre financier n’est pas non plus la priorité de ces contrats. Interrogé par Décision Santé, Christian Anastasy, directeur général de l’Anap, a précisé que « nous avons sélectionné ces établissements sous contrat selon des critères à la fois techniques et managériaux : autofinancement, endettement, etc. Mais je tiens à souligner que nous n’avons pas sélectionné des établissements uniquement déficitaires ».
Développer l’extra-hospitalier
C’est la proposition la plus novatrice du rapport du conseil de la Cnamts, lequel rapport doit inspirer le PLFSS 2011 : « Développer des centres autonomes ambulatoires en adaptant la législation. » But de la manœuvre : mettre en place des structures extra-hospitalières pour développer différentes interventions chirurgicales, à moindre coût. L’assurance maladie propose d’expérimenter ces nouveaux centres autonomes avec les opérations de la cataracte. La Sécu semble en accord sur ce point avec Élisabeth Hubert, en charge d’une mission sur la médecine de proximité, dont les conclusions devraient être connues fin septembre début octobre. En visite au centre hospitalier d’Avignon (cf. p.18), elle a été séduite par l’installation d’une maison médicale de garde dans l’enceinte hospitalière. Ce qui permet de réduire le recours aux urgences, trop coûteuses. Mais le Dr Bourgeois, urgentiste au centre hospitalier d’Avignon, ne l’entend pas de cette oreille : « Les médecins généralistes des maisons médicales, du fait de la proximité du centre hospitalier, ont tendance à prescrire beaucoup plus d’examens que les MG en cabinet. Donc il n’est pas sûr que les maisons médicales de garde adossées aux hôpitaux génèrent des économies significatives. »
Actes et tarifs sous contrôle
Les pouvoirs publics n’ont pas attendu le PLFSS 2011 pour procéder à une baisse des tarifs, eu égard au dépassement annoncé de l’Ondam de 600 millions d’euros, selon le comité d’alerte, en mai dernier. Et les établissements de santé ont été visés : outre la liste en sus, le gouvernement a abaissé les tarifs de l’anesthésie de la cataracte, ce qui devrait rapporter 10 millions d’euros. Si l’on en croit les prévisions du conseil de la Cnamts, les baisses de tarifs devraient se poursuivre en 2011. En effet, l’assurance maladie constate que « globalement, la comparaison du coût total des ordonnances de biologie - incluant les forfaits - entre la France, la Belgique et l’Allemagne varie du simple au triple et montre souvent des coûts plus élevés pour la France, notamment pour les ordonnances comportant un nombre important d’actes ». Conséquemment, l’assurance maladie propose de « continuer la politique de baisse des tarifs de biologie ». Autre problématique abordée par cet organisme : la pertinence des actes. Sur ce point, elle est en parfait accord avec la FHF, qui a mené une étude ambitieuse sur le manque de pertinence de certains actes, tant en ce qui concerne la libération du canal carpien et la pose des drains transtympaniques, que la chirurgie de la prostate et de la cataracte, ou encore les césariennes et les appendicectomies. Où il apparaît clairement que de nombreux actes pratiqués n’ont aucune raison de l’être. Exemple, note l’assurance maladie : « Pour une moyenne nationale de 958 interventions pour 100 000 habitants en 2008 (942 en 2006), on constate un taux recours de 621 actes dans les Ardennes et de 1 600 dans la Charente. Après standardisation par âge et sexe et l’analyse d’autres variables, tels que l’offre de soins publique et libérale, la démographie, le contexte socio-économique et l’ensoleillement, 40 % des écarts constatés restent inexpliqués. » À ces disparités géographiques s’ajoutent des différences significatives de prescription, entre professionnels. En conséquence, l’assurance maladie devrait recommander l’application de nouveaux référentiels en chirurgie, contenant des normes quantitatives, pour limiter les abus. D’autres mesures devraient être prises, qui touchent aussi bien les transports, que la mise sous entente préalable, sans parler de la politique de maîtrise du médicament. Mais il n’est pas certain, non plus, qu’efficience rime avec économie…
2. Propositions de l’assurance maladie sur les charges et produits pour l’année 2011.
3. Revue hospitalière de France, n° 528, mai-juin 2009.
4. Revue hospitalière de France, n° 530.
5. Revue hospitalière de France, n° 525.
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