DÈS LES PREMIÈRES ANALYSES en 1997, il a été montré que le sérogroupe B était prédominant (88 % en Seine-Maritime, contre 76 % dans le reste de la France) et, surtout, que 56 % des souches de méningocoques retrouvées avaient une formule antigénique identique : B (sérogroupe) 14 (sérotype) P1.7,16 (sous-type). Or dans le reste de la France, les souches B :14 : P1.7,16 représentaient, sur la même période, moins de 2 % des souches B retrouvées ! Selon des techniques de génotypage faites au Centre national de référence (CNR, à l'Institut Pasteur), cette souche appartient au complexe clonal ST-32.
Une surveillance bien rodée.
Face à l'augmentation de l'incidence des infections invasives à méningocoque (IIM) en Seine-Maritime et à la prédominance de cette souche B:14 :P1.7,16, des mesures de contrôle ont été mises en place dès la fin des années 1990. Elles portaient alors sur la sensibilisation des professionnels de santé, l'antibioprophylaxie habituelle des contacts et le renforcement de la surveillance (exhaustivité de la déclaration obligatoire des cas à la Ddass, souches invasives envoyées au CNR pour le typage). Grâce à cette vigilance, on sait que si l'incidence a légèrement baissé en 2002, pour devenir équivalente à celle observée dans le reste de la France, l'accalmie a été de courte durée. Une nouvelle augmentation a été notée dès 2003 (9 cas déclarés à la Ddass entre janvier et février, à l'origine de 5 décès). Les deux tiers étaient du sérogroupe B, principalement de la souche B:14:P1.7,16. Une nouvelle alerte a alors été donnée et, depuis, cet excès de cas en Seine-Maritime persiste : il est de une fois et demie à trois fois supérieur à ce qui est observé dans les autres régions de France.
Au niveau national, les données de déclaration des cas sont centralisées à l'Institut national de veille sanitaire (InVS) et des analyses hebdomadaires sont réalisées. En cas de situation inhabituelle constituant une alerte, des analyses plus spécifiques sont réalisées par l'InVS ou la cellule interrégionale d'épidémiologie (Cire, relais de l'InVS au niveau régional). Les informations sont transmises à la Direction générale de la santé (DGS) qui est en charge de la gestion de l'alerte et de la mise en place des mesures de contrôle spécifiques avec la Ddass.
Dans la Seine-Maritime, l'exhaustivité de la déclaration et, surtout, la collaboration étroite, avec un échange d'informations en temps réel, entre les cliniciens et les biologistes, la Ddass, l'InVS, la DGS, la Cire et enfin le CNR, sont essentielles pour le suivi épidémiologique. En dépend la prise de décision, comme le lancement d'une campagne de vaccination.
La souche B:14:P1.7,16 est clairement installée dans la Seine-Maritime. On la retrouve également dans les départements du nord et du nord-ouest de la France, mais à des taux d'incidence inférieurs (de moitié) à ceux observés dans la Seine-Maritime. En outre, même dans ce département, la souche est principalement localisée dans le secteur de Dieppe et des communes voisines. Sont donc particulièrement concernés quelque 85 000 habitants (soit 7 % de la population de Seine-Maritime). Entre 2003 et 2006, 30 cas liés à la souche B:14:P1.7,16 et 10 cas possibles (cas d'IIM pour lesquels on ne peut exclure la souche B:14:P1.7,16, notamment parce que l'analyse du groupe et/ou du sous-type n'a pas été possible) ont été rapportés sur la zone de Dieppe, ce qui correspond à un taux d'incidence annuel moyen de 11,8 cas pour 100 000 habitants (contre 1,2 pour 100 000 dans le reste de ce département).
Des précautions particulières ont été prises pour les habitants ; des campagnes de sensibilisation ont été menées pour favoriser la prise en charge précoce des cas. La souche B:14:P1.7,16 se caractérise par une létalité élevée (variable de 10 à 29 % entre 2003 et 2006) et une proportion élevée de Purpura fulminans, responsable d'un choc septique souvent mortel. Aussi, en cas de suspicion de Purpura fulminans, il a été rappelé l'intérêt de l'injection d'une première dose d'antibiotique approprié avant l'arrivée à l'hôpital.
Une campagne de vaccination est en cours ; elle a été mise en place par le ministère de la Santé, avec un vaccin fabriqué par l'Institut national de santé publique en Norvège à partir de vésicules membranaires exprimant l'ensemble des protéines d'enveloppe d'une souche épidémique de phénotype proche de la souche normande. L'Afssaps est impliquée (notamment pour la pharmacovigilance), le vaccin utilisé n'ayant pas d'AMM en France : on est dans le cadre d'une urgence sanitaire. Le schéma vaccinal repose sur trois doses à six semaines d'intervalle suivies d'un rappel dix mois après la troisième dose. Ayant débuté en été 2006, la campagne de vaccination a ciblé les enfants de 1 à 5 ans dans la zone de Dieppe. Le Conseil supérieur d'hygiène de France souhaite que la vaccination s'étende à tous les jeunes de 1 à 19 ans, dans la Seine-Maritime, en commençant par la région de Dieppe. La campagne s'étendra ensuite progressivement aux autres populations ciblées en fonction de l'évolution de l'épidémiologie et au fur et à mesure de la disponibilité des doses de vaccin.
D'après un entretien avec le Dr Isabelle Parent du Châtelet, épidémiologiste à l'InVS.
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