Arts
Appelé au front lors de la Première Guerre mondiale, le peintre allemand Otto Dix en subira et en retiendra toutes les horreurs. Il ne cessera, durant le conflit, de croquer, dans leur vérité la plus crue, la mort, la haine, la peur, accueillant sur sa toile la laideur au même titre qu'un peintre accueillerait la beauté.
Mais ce n'est pas seulement la guerre et son traumatisme qui expliquent le trait acerbe, acéré, la vision tranchante et sans appel de Dix, l'amertume de ses témoignages, sa fascination pour les « créatures sans éclat », sa propension à représenter le sordide, sa vision caustique de la société, des valeurs morales, de l'héroïsme militaire... Il convient de replacer le peintre dans son histoire et dans celle de son époque.
Il fut l'un des représentants de la Nouvelle Objectivité, école de la provocation réaliste proche du naturalisme, on l'accusa d'être un artiste dégénéré, il se vit licencié de son poste d'enseignant à Dresde en 1933, on lui interdit d'exposer, sa haine du nazisme l'obligea à se retirer au bord du lac de Constance.
L'exposition proposée par le centre Georges-Pompidou réunit une centaine de dessins d'Otto Dix exécutés dans l'entre-deux-guerres. Malgré la diversité des thèmes et des domaines explorés, une constante revient : l'amertume, la laideur des temps vécus, la souffrance de la vie, tranchante comme une lame, l'infamie, l'obscénité. Rien d'innocent. Rien de pur. Surtout se garder de l'enjolivement : « Il faut ne se fier qu'à ce que l'on voit », recommandait Dix. Et qu'a-t-il vu ? La guerre, comme on l'a dit, qu'il place au cur de ses uvres. L'artiste témoigne du désespoir humain à travers les scènes de l'odieux carnage : « Soldats avançant dans la nuit ou criblés de balles », « Cadavre de cheval », « Trous d'obus », autant de croquis qui semblent annoncer le grand et imposant triptyque « la Guerre » (« Der Krieg »), dont on peut voir ici l'esquisse, à l'échelle du tableau, uvre tragique et crue, d'une rare violence.
Aquarelles de prostituées et croquis de mauvais matelots complètent ce qui pourrait ressembler à un panorama de la situation sociale de l'Allemagne pendant la République de Weimar.
L'il de Dix est aigu, et saisit toutes les réalités. Dans ses portraits très caricaturaux et dans ses autoportraits, il n'est pas plus tendre. Il se représente souvent sous différents aspects, mais toujours avec ce visage féroce et dur, taillé au couteau, apparaissant comme une sorte de surhomme. Nietzsche n'est pas loin. Quelques études de nus, surtout féminins, illustrent encore le besoin que Dix avait d'observer, d'une manière exigeante, clinique, l'être humain et sa physionomie ou son anatomie. Des esquisses telles « la Folle », le « Nouveau-Né » ou « la Femme enceinte », laissent des impressions indélébiles.
L'exposition se clôt sur la fin des années 1930. Otto Dix, réfugié à la campagne, réduit à l'impuissance, croque des paysages et des scènes de vie champêtre. Ses inspirations deviennent mystiques et religieuses. Mais l'artiste ne s'accorde aucun répit : il ne cessera jamais d'avoir « le courage de peindre le laid », d'envisager « la vie dans toute sa densité ». Toutefois, une fragile lueur de grâce troue la nuit de cette barbarie. Cette nuance d'humanisme apparaît parfois à travers la monstruosité des représentations d'Otto Dix.
« Otto Dix, dessins d'une guerre à l'autre ». Centre Pompidou, Paris 3e. Galerie d'art graphique, niveau 4. Tlj, sauf mardi, de 11 h à 21 h. Entrée : 5,5 euros (TR : 3,5 euros). Jusqu'au 31 mars.
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