« Pendant longtemps nous avons donné des hormones substitutives aux femmes parce que les estrogènes préviennent efficacement l'ostéoporose. La grande hypothèse était que les estrogènes agissent de la même manière dans tous les tissus », explique dans un communiqué le Dr Stavros Manolagas, endocrinologue a l'Université des sciences médicales d'Arkansas, qui a dirigé l'équipe. « Notre étude montre que l'on peut obtenir les bénéfices des estrogènes sur les tissus non reproducteurs, sans avoir les effets délétères (sur les tissus reproducteurs). C'est une nouvelle page de la pharmacologie », affirme-t-il.
« Nous développons une nouvelle classe d'agents pharmaceutiques qui promettent d'offrir une hormonothérapie substitutive ostéoformatrice, sexuellement neutre. »
Manolagas et son équipe avaient démontré l'année dernière que les hormones sexuelles exercent leurs effets protecteurs sur l'os par un mécanisme cellulaire distinct de celui utilisé pour leurs effets sur les organes reproducteurs (« Cell », 2001). En effet les estrogènes et les androgènes agissent sur les organes reproducteurs grâce à des interactions entre leurs récepteurs et un élément de certains gènes (action génotropique) qui est sensible aux estrogènes ou androgènes, interactions qui stimulent la transcription de ces gènes. Mais les récepteurs stéroïdes sexuels ont un effet protecteur sur l'os grâce a une action non génotropique sur des voies de signal qui ne sont pas spécifiques du sexe.
Les chercheurs avaient aussi identifié un composé synthétique, appelé estrène (4-estrène-3 alpha, 17beta-diol), qui reproduit ces actions non génotropiques sans avoir l'activité transcriptionnelle classique (ou génotropique) des estrogènes. Inversement, ils ont aussi identifié un composé, le pyrazole, qui reproduit l'action génotropique des hormones sexuelles, sans les actions non génotropiques.
Dans leurs nouveaux travaux, les chercheurs ont testé les effets de l'estrène sur l'os et les tissus reproducteurs des souris mâles et femelles. Ils ont comparé ces effets aux effets d'un estrogène conventionnel (estradiol), de la testostérone (DHT), et du pyrazole. In vitro, l'estrène, l'estradiol et la dihydrotestostérone - mais pas le pyrazole - atténuent l'apoptose des ostéoblastes et stimulent l'apoptose des ostéoclastes. Chez la souris, l'estrène a été donnée à une dose 300 fois plus élevée que l'estradiol, en raison de son affinité plus basse pour le récepteur.
Estrène et densité minérale osseuse
L'estrène, ont constaté les chercheurs, est aussi efficace que l'estrogène substitutif pour préserver la densité minérale osseuse chez les femelles. L'effet est encore plus remarquable chez les femelles ovariectomisées : tandis que l'estrogénothérapie prévient la perte osseuse, l'estrène va jusqu'à augmenter la densité et la force de l'os, au-delà des niveaux observés chez les femelles non ovariectomisées. Chez les mâles, dont les testicules ont été retirés (orchidectomisés), l'estrène est aussi efficace qu'une dose substitutive de DHT pour préserver la masse osseuse.
Pas d'action sur un gène utérin
Enfin, ce qui est très important, à la différence de l'estradiol et du DHT, l'estrène n'a pas d'effet sur le tissu reproducteur. L'estrène ne stimule pas la transcription d'un gène dans l'utérus qui est normalement ciblée par l'estradiol. Il ne préserve pas la masse de l'utérus ou des vésicules séminales chez les souris ovariectomisées ou orchidectomisés, et cet absence d'effet sur les tissus reproducteurs est confirmé pas examen histologique.
Ainsi, les hormones synthétiques comme l'estrène pourraient constituer une forme d'hormonothérapie qui préserve et même favorise la formation de l'os, sans affecter le système reproducteur. Il est également possible, selon les chercheurs, que l'estrène ait avoir d'autres effets bénéfiques contre le vieillissement, comme un effet protecteur sur les vaisseaux sanguins et les cellules nerveuses, car ces tissus semblent répondre aux stéroïdes sexuels par le même mécanisme que le tissu osseux.
Les chercheurs proposent par conséquent que « les ligands des récepteurs estrogènes, ou des récepteurs androgènes, à mécanisme spécifique représentent - une nouvelle classe d'agents thérapeutiques ». « De tels ligands, ajoutent-ils, méritent d'être étudiés en tant qu'alternatives thérapeutiques possibles a l'hormonothérapie substitutive pour l'ostéoporose, à la fois chez les femmes et chez les hommes », concluent-ils. Ces ligands au mécanisme spécifique, ajoutent-ils, pourraient offrir des avantages dans le cadre de l'hormonothérapie substitutive.
« Science » du 25 octobre 2002, p. 843.
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