ON CONNAISSAIT déjà les gestes chirurgicaux sans incision cutanée appliqués aux organes au contact ou faisant saillie dans une lumière naturelle, comme les amygdalectomies, les ethmoïdectomies, les exérèses de certains polypes coliques, de tumeurs villeuses rectales ou de petites tumeurs bronchiques, les hystérectomies…
Il s'agit là d'une chirurgie endoluminale. Tout à fait différent est le récent concept de chirurgie endoscopique transluminale par les orifices naturels (Ceton, en anglais Notes, pour Natural Orifices Translumenal Endoscopic Surgery) qui ne laisse pas non plus de cicatrice, mais concerne des organes n'ayant pas d'accès direct à une voie naturelle.
«L'idée est née en 2004 quand, lors de travaux expérimentaux, deux gastro-entérologues –non chirurgiens–, l'un hongkongais et le second américain, ont traversé l'estomac et découvert que, avec un endoscope flexible, ils avaient une vision fantastique de l'intérieur de la cavité abdominale», raconte le Pr Marescaux. Utilisant un protocole expérimental personnel, ils ont réalisé une biopsie de foie par voie transgastrique. Les particularités de la cicatrisation de l'estomac constituaient un des arguments forts en faveur de cette technique. On sait, en effet, qu'elle est dix fois plus rapide que celle de la peau.
Faisabilité démontrée.
A la suite de la présentation de ces premiers résultats en 2004, plusieurs équipes européennes et américaines ont décidé de vérifier la faisabilité de gestes chirurgicaux complexes par les voies naturelles dans des modèles expérimentaux. «En quelques années, note le Pr Marescaux, nous avons constaté que, même avec des endoscopes classiques, il était possible de réaliser quasiment tous les gestes, l'ablation de la vésicule biliaire, bien sûr, mais aussi la chirurgie de la rate, du côlon, de la queue du pancréas…» Toutes les voies naturelles ont été étudiées (transgastrique, -vaginale, -vésicale, -rectale, -colique).
En mars dernier, des New-Yorkais rapportaient la première intervention de Ceton, avec une voie d'abord mixte, transvaginale et transabdominale, aidée de trois trocarts laparoscopiques. L'équipe strasbourgeoise a, quant à elle, réalisé le mois suivant la première opération sans aucune incision cutanée, en l'occurrence une cholécystectomie uniquement par voie transvaginale. «Par un endoscope souple, long de 1,20m, muni d'instruments de 1,50m, nous avons pénétré dans la cavité abdominale de la patiente et sommes intervenus dans un champ opératoire totalement inaccessible par l'orifice naturel choisi.»
Un accueil enthousiaste.
Depuis la présentation de cette première au congrès de la Société américaine de chirurgie endoscopique, le Pr Marescaux constate que, contrairement à l'accueil mitigé, voire goguenard, des premières expériences de chirurgie laparoscopique par la communauté des chirurgiens, les réactions sont dans l'ensemble plutôt enthousiastes. Peut-être même trop, car, fait-il remarquer, «lorsque se profile une révolution chirurgicale, il est très important qu'une partie de nos confrères soit contre, afin de nous permettre de garder les pieds sur terre».
Le succès du premier cours international de Ceton mis en place dans la foulée ( «plein en deux jours») montre que nombreux, chirurgiens mais aussi industriels, sont ceux qui croient au potentiel de la Ceton. En ouvrant la voie à des opérations sans cicatrice, celle-ci pourrait aboutir à « une mutation complète » de la chirurgie, après celle de la chirurgie mini-invasive, estime le Pr Marescaux. Certes, les cicatrices laissées par la chirurgie mini-invasive sont discrètes, mais elles restent tout de même le témoin d'une agression. «Si l'on arrive à montrer que, avec les mêmes règles et des résultats au moins égaux à ceux des autres types de chirurgie, il est possible de faire une chirurgie sans cicatrice, le malade choisira certainement cette dernière.»
Comme l'a d'ailleurs souligné un chirurgien britannique dans un éditorial récent (1), l'avantage cosmétique fait, en effet, partie des trois justifications principales de la Ceton, avec la facilité d'accès à certains organes et l'idée selon laquelle, grâce à l'imagination humaine et aux progrès technologiques, il est possible de continuer à réduire le traumatisme lié à la chirurgie classique.
L'avenir.
A Strasbourg, d'autres interventions par voie vaginale sont d'ores et déjà programmées et l'équipe attend l'accord du CPP (Comité de protection des personnes) pour utiliser la voie transgastrique afin de pouvoir faire bénéficier également les hommes de cette technique.
A la question concernant les indications potentielles de la Ceton, le Pr Marescaux répond en prenant l'exemple de la chirurgie laparoscopique. «Quand on a commencé la laparoscopie, 80% des chirurgiens estimaient qu'elle resterait limitée à la cholécystectomie et à l'appendicectomie. On a ensuite vu que tout était possible, aussi bien la chirurgie du foie, du pancréas, des cancers du rectum et du côlon.» Aujourd'hui, les limites de la Ceton sont uniquement d'ordre technologique. «Nous sommes en train de développer, avec les industriels, des prototypes qui permettront de travailler en triangulation complète (ce qui n'est pas le cas avec les appareillages utilisés actuellement) et, ainsi, de se retrouver exactement dans les conditions d'une chirurgie laparoscopique.»
(1) Swain P. A justification for NOTES- natural orifice translumenal endosurgery. Gastrointest Endosc 2007; 65(3):514-6.
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