Le Généraliste. Le nouveau plan national d’alerte sur les antibiotiques propose diverses mesures : référents Antibiotiques à l’hôpital, campagnes auprès du grand public, recours en médecine générale au diagnostic rapide par bandelettes urinaires, liste d’antibiotiques de dernier recours… Que pensez-vous de toutes ces actions?
Pr Elisabeth Bouvet. Bon nombre sont déjà appliquées depuis plusieurs années dans les établissements de santé, et l’intérêt du plan est de vouloir les généraliser et les harmoniser en ville comme à l’hôpital.
En ce qui concerne les tests de diagnostic rapide, c’est une très bonne idée qui doit cependant être encadrée : toute bandelette urinaire positive ne doit pas déboucher sur une prescription d’antibiotique, mais sur un ECBU. Enfin, l’information du public est primordiale pour que ce plan réussisse en médecine de ville. Car le généraliste ne peut faire face seul aux réticences des patients. Ce sont les mentalités qui doivent changer. Nous sommes en bonne voie : déjà, le message “les antibiotiques c’est pas automatique” est bien ancré dans les mémoires.
Quelles prescriptions vous semblent encore abusives aujourd’hui?
Pr E. B. Nous voyons encore trop souvent de la ciprofloxacine dans les infections urinaires ou les cystites. Ou encore, de l’Augmentin(r) ou des fluoroquinolones dans les pneumopathies évoquant un pneumocoque (fièvre élevée, foyer crépitant) au lieu de l‘amoxicilline seule.
Qu‘en est il de la montée des résistances ?
Pr E. B. Actuellement, on observe une augmentation des entérobactéries productrices de BLSE (bêta lactamases à spectre étendu) et des bactéries multirésistantes aux carbapénèmes, toutes importées de personnes ayant séjourné dans des hôpitaux à l’étranger. La question est de savoir jusqu’à quand réussira-t on à les endiguer en France !
Parmi les souches apparues en France, les SARM ont fait l’objet de mesures hospitalières qui ont permis d’en diminuer le nombre. En revanche, on observe une monté graduelle des résistances de bactéries aux quinolones et céphalosporines à spectre large, en ville comme à l’hôpital, de par l’utilisation inappropriée de ces molécule, en médecine humaine, mais aussi dans le milieu vétérinaire.
La recherche est-elle réellement en berne? Peut on attendre malgré tout l’arrivée de quelques nouveautés thérapeutiques?
Pr E. B. L’industrie pharmaceutique n’a malheureusement pas d’intérêt à développer de nouveaux antibiotiques, qui n’obtiendront que des indications très étroites, pour des populations très restreintes de patients. Un pari économiquement non rentable. Il faut donc encourager la recherche autrement. Côté traitement, la grande nouveauté pourrait venir dans la tuberculose, alors qu’on n’arrive pas aujourd’hui à mettre au point des traitements inférieurs à 6 mois. On attend pour les prochaines années un inhibiteur de l’ATP synthase, et un cousin du métronidazole.
Quelles nouvelles recommandations peut-on espérer ?
Pr E. B. Les recommandations aujourd’hui sont trop larges sur le choix en antibiotique et sur la durée de traitement. Il faudrait des recommandations plus strictes et plus directives. Aussi, il manque des recommandations ciblées sur l’utilisation des céphalosporines, et surtout quinolones sachant qu’à l’hôpital, nous avons énormément restreint leur utilisation.
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