« ADRIANA LECOUVREUR » de Francesco Cilea, d'après la pièce d'Eugène Scribe et Ernest Legouvé, met en scène le destin tragique d'une comédienne mythique du Théâtre-Français qui, courtisée par l'amant de la Princesse de Bouillon, meurt empoisonnée par un bouquet de violettes envoyée perfidement par cette dernière. Dans cette production du Teatro alla Scala de Milan filmée en 1989 (1), Mirella Freni impose une présence dramatique émouvante à un rôle qui a marqué la fin de sa glorieuse carrière. Dramatique, la mezzo-soprano Fiorenza Cossoto ne l'est pas moins dans le rôle de la Princesse vengeresse et Peter Dvorsky fait honnête figure en comte de Saxe entre ces deux monstres sacrés. La mise en scène de Lamberto Puggelli, filmée magistralement par Brian Large, est d'un raffinement total avec cependant un divertissement très audacieux au III, et la direction du grand Gianandrea Gavezzeni, une leçon de théâtre lyrique. Un classique à archiver précieusement !
Mirella Freni encore, quelques années plus tard (1996) au Metropolitan Opera de New York avec comme partenaire Placido Domingo dans « Fedora » (2), mélodrame d'Umberto Giordano d'après Victorien Sardou (rôle créé au théâtre par Sarah Bernhardt), est aussi une occasion à ne pas laisser passer. Freni, qui est adulée par le public du Met comme une déesse, se voit remettre lors d'un entracte la clé de New York City par le maire de l'époque Rudoph Giulani, juste récompense de la part d'une ville qu'elle a tant de saisons honoré de son art et qu'elle accueille avec sa timidité légendaire. Mais, sur scène, elle est grandiose d'autorité dans le rôle de Fedora, une princesse russe qui tombe amoureuse de l'assassin de son fiancé, rôle difficile que Domingo assure avec sa musicalité légendaire. Le jeune Roberto Abbado, neveu de Claudio, y faisait ses armes lyriques avec beaucoup de maestria. La production signée Beppe de Tomasi, empruntée au Gran Teatre del Liceu de Barcelone, est très classique et c'est tant mieux.
Autre vérisme en perruques, celui de « Andrea Chénier » du même Giordano (3), dans lequel le trio Domingo, Anna Tomowa-Sintow et Giorgio Zancanaro illustrent avec beaucoup de crédibilité un drame passionnel situé au temps de la révolution française dans une autre production très réussie de Covent Garden filmée en 1985.
Vérisme romantique.
Avec « L'Amico Fritz » (4), on passe à la comédie vériste, plus romantique, où le sentimentalisme et tout le pittoresque du décor sont décrits avec un réalisme quasi Biedermeier. Deuxième opus de Pietro Mascagni qui avait commencé fort avec « Cavalleria Rusticana », il raconte les péripéties des amours contrariées entre un célibataire convaincu et une jeune paysanne un peu gourde, dans une Alsace délicieusement XIXe siècle, telle que l'a dépeinte avec un régionalisme accru le tandem Erckmann et Chatrian. Musicalement, on ne plane pas aux mêmes hauteurs que chez Cilea et même Giordano. Dramatiquement non plus ! Aussi ce divertissement au charme un peu suranné, filmé dans une production très traditionnelle du Teatro di Livorno, et très honnêtement défendu par José Bros dans le rôle-titre et Dimitra Theodossiou dans celui de Suzel (un rôle créé par Emma Calvé), sous-titré en anglais seulement, reste-t-il réservé aux fanatiques du genre. Signalons aussi la réédition dans la série Universal-Unitel, de « Cavalleria Rusticana » (5), drame paysan de la jalousie et de la mort réalisé par Franco Zeffirelli dans des merveilleux décors naturels en Sicile, notamment à Noto pour la sortie de la messe de Pâques. C'est un véritable film-opéra réalisé sur le play-back enregistré en studio avec les forces du Teatro alla Scala de Milan sous la direction de Georges Prêtre et les chanteurs-acteurs du film. Plácido Domingo confirme sa formidable présence cinégénique, il met beaucoup de rage dans le personnage de Turiddu et sa Sentuzza, la grande Elena Obraztsova, rivalise de présence dramatique et vocale. Dans les seconds rôles, rien moins que Fedora Barbieri dans Mamma Lucia et Renato Bruson dans le mari bafoué. La couplage classique avec « Pagliacci » de Leoncavallo, autre drame vériste de la jalousie, se jouant cette fois dans le milieu des comédiens ambulants, est respecté avec la même équipe artistique et le formidable trio formé par Domingo en Paillasse, Teresa Stratas en Nedda et Juan Pons, Tonio.
Opéra nez.
On ne présente pas « Cyrano de Bergerac », d'Edmond Rostand, un étendard du théâtre français, si ce n'est pour ajouter que Franco Alfano en a tiré en un opéra, rareté absolue du répertoire donnée cependant récemment au Metropolitan Opera de New York en coproduction avec Madrid et Londres où il sera présenté en mai 2006. Le ténor franco-italien Roberto Alagna s'est emparé de ce rôle héroïque lors du Festival de Radio France et Montpellier de 2003, source de cet enregistrement (6). On est surpris par l'amateurisme de la présentation qui étonne de la part de la très sérieuse Deutsche Grammophon : s'agissant d'une œuvre rare d'un compositeur qui n'est guère connu que pour avoir complété le troisième acte de « Turandot », laissé inachevé par la mort de Puccini, on s'attendait à un commentaire musicologique, sinon au livret complet. Il faut aller à la pêche dans le documentaire « Backstage » fourni en bonus et plus folklorique que riche en informations. Mais la réalisation montpelliéraine est admirable dans la mise en scène et les décors de David et Frédérico Alagna, les deux frères du ténor. Formidable direction de Marco Guidarini et distribution très solide pour défendre une œuvre assez bâtarde. En effet, la musique semble écrasée par les vers de Rostand et se déroule en un parlando continu qui annonce Debussy et Poulenc, à deux exceptions près dans la scène du Balcon et la Mort de Cyrano qui sont superbes. Alagna s'approprie ce rôle dont il donne une interprétation bouleversante de vérité. Magnifique Roxane de Nathalie Manfrico qui a la classe physique et l'abattage vocal du personnage. Le Christian de Richard Troxwell réussit l'exploit de réunir la beauté qui en fait l'impossible double de Cyrano, les moyens vocaux et le caractère touchant, sans compter la merveilleuse prononciation. Une œuvre dont on devrait vite reparler, si les théâtres s'y intéressent...
(1) 1 DVD Opus Arte La Scala Collection (distribution Codaex).
(2) 1 DVD Deutsche Grammophon/Universal Collection The Metropolitan Opera.
(3) 1 DVD Warner Vision.
(4) 1 DVD (NTNC) Kikko Cassics (distribution Dom).
(5) 1 DVD Universal/Unitel.
(6) 1 DVD Deutsche Grammophon/Universal.
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