TOUT EN RESTANT dans le style de la conversation en musique, « Arabella » n'a pas grand-chose à voir avec « le Chevalier à la rose », qu'il prolonge pourtant, ni avec « Capriccio ». Le pastiche n'y est plus de mise, on est dans le concret de la comédie de boulevard, du vaudeville. Mais aussi dans la nostalgie d'un monde qui est déjà mort, « le Monde d'hier » de Stephan Zweig.
Une fille à marier, sa soeur travestie en garçon – mensonge mondain, pauvreté des parents oblige –, des prétendants de comédie et, coup de théâtre, coup de foudre pour l'élu, un hobereau croate et veuf sorti d'un chapeau. Nouveau coup de théâtre quand la soeur travestie, la pauvrette, craque pour un des soupirants et risque de faire manquer le beau mariage ! Mais la bonté triomphe et tout se termine pour le mieux. Le rôle d'Arabella n'est pas un camée, la jeune fille est un personnage complexe qui exige une interprète complète.
Parmi les versions DVD, on disqualifiera d'emblée celle filmée au Festival de Glyndebourne en 1984 (NVC Arts) malgré la direction experte de Bernard Haitink, les interprètes (Ashley Putnam et John Brocheler) étant aussi peu viennois que possible, Arabella ayant même des revers de kilt à sa robe.
Malgré les moyens engagés, la version du Metropolitan Opera de 1994 (Deutsch Grammophon/ Universal) est, elle, trop exotique pour être retenue. Le jeune (alors) chef allemand Christian Thielemann couvre trop les chanteurs, la mise en scène d'Otto Schenk est perdue sur cette immense scène et les interprètes sont peu adéquats et déjà trop âgés. Kiri Te Kanawa, chanteuse au talent éphémère, n'a plus l'âge d'une débutante, même dans une famille aristocratique fauchée, et comme toujours est trop placide et extérieure pour être crédible. Wolfgang Brendel, qui a été à juste titre la coqueluche de l'Opéra de Munich, est en fin de carrière et force le trait en Mandryka, Donald McIntyre est pitoyable dans le comte Waldner.
La plus viennoise.
Aux oubliettes, donc, d'autant que Deutsche Grammophon/Universal vient de rééditer le film réalisé par Unitel en 1977 à Vienne avec une mise en scène du même Otto Schenk, spécialiste absolu de ce répertoire, et l'Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Georg Solti. Une fois surmonté le handicap du play-back, compensé par la proximité que permet ce genre de film avec son sous-titrage, on tient la version la plus viennoise possible et on entre sans réticence dans cette comédie de moeurs qui n'est pas aussi superficielle qu'elle peut le paraître. Gundula Janowitz n'est certes pas non plus la jeune épousable primesautière qu'exige le premier acte mais sa bonté et sa noblesse éclatent ensuite, au bal comme lors du dénouement. Bernd Weikl est un Mandryka viril et bouillant, Edita Gruberova une Fiakermilli de haute volée, René Kollo est très crédible dans le rôle du prétendant éconduit Matteo et les connaisseurs admireront Martha Mödl dans le rôle épisodique de la tireuse de cartes. Dernier paru, l'« Arabella » enregistré à Zurich en 2007 sous l'excellente distribution de Franz Welser-Möst. La production (une des dernières) de Götz Friedrich transpose l'action hors Vienne et hors époque, mais la direction d'acteurs est suffisamment forte pour passer ce handicap. Renée Fleming, même si sa voix a perdu son moelleux inimitable, est parfaite dans le rôle mais n'a pas un grand Mandryka face à elle (Morten Frank Larsen, un peu pâlot). Une belle version moderne avec des comprimari de poids (Decca).
Quant au CD, il garde la trace d'interprètes légendaires de la grande époque des opéras de Vienne et Munich. Avouons un faible pour la version dirigée en 1963 par Joseph Keilberth à la tête des forces de l'Opéra de Munich, avec Lisa Della Casa, Dietrich Fischer-Dieskau (le couple idéal), Ira Malaniuk, chantée à la perfection (Deutsche Grammophon/Universal). Également de l'Opéra de Munich, une version plus tardive (1978) et plus théâtrale (EMI/Orfeo), avec un Wolfgang Sawallisch à la direction plus prosaïque, qui immortalise le couple à la ville comme à la scène Julia Varady - Dietrich Fischer-Dieskau. Autre archive de poids, celle enregistrée à Salzburg par Karl Böhm en 1947 (Decca) avec les Wiener Philharmoniker, Maria Reining, noblissime, Della Casa (en Zdenka cette fois), aux aigus transparents, irréels, et Hans Hotter, Mandryka royal. La tradition.
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