Il aura fallu attendre le discours de Jean-François Mattei devant les députés, qui leur présentait le projet de financement de la Sécurité sociale pour 2003 (voir ci-dessous,) pour connaître la ventilation de l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) pour l'an prochain.
Car, si depuis un certain temps déjà, on savait (« le Quotidien » du 25 septembre) que le gouvernement avait fixé une hausse de 5,3 % aux dépenses d'assurance-maladie l'année prochaine, on ignorait encore quel sort serait réservé à chaque poste dépenses, notamment quelles seraient les parts respectives de l'hôpital et la médecine de ville.
Le ministre a donc révélé aux députés le résultat de ses réflexions qui ont duré longtemps. Plus longtemps en tout cas que les années précédentes, quand ses prédécesseurs profitaient généralement de la réunion de la Commission des affaires sociales sur le PLFSS pour annoncer la ventilation de l'Objectif.
Mais sans doute, la décision a-t-elle été difficile à prendre. Ce n'est pas un secret que de dire aujourd'hui que les responsables de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui rassemble la quasi-totalité des hôpitaux publics, a mené bataille auprès du gouvernement et, au plus haut niveau, dit-on, pour que la marge de manoeuvre dévolue à l'hospitalisation publique soit plus large. La FHF réclamait notamment une progression de la dotation globale accordée aux hôpitaux de 6,1 %. Elle n'aura pas eu gain de cause, puisque les crédits accordés aux établissements publics seront, en 2003, en hausse de 5 % par rapport à 2002, contre 4,8 % l'an dernier. Une petite progression qui ne saurait satisfaire le monde hospitalier. Il le fera savoir au gouvernement. Pour les responsables de la FHF, la hausse de 5 %, pour l'essentiel, permettra simplement de couvrir les dépenses de personnel et de respecter les engagements liés aux protocoles salariaux. « Les dépenses médicales, notamment les innovations thérapeutiques mais aussi les dépenses hôtelières ne seront pas couvertes par le taux annoncé », explique la FHF. » « Nous sommes inquiets, dit un responsable de la Fédération. Si, à l'issue du débat parlementaire qui s'engage, ce taux reste le même, les directeurs des établissements auront des difficultés ; ils devront renoncer à des investissements, faire de reports de charges, et le gouvernement devra rapidement prendre ses responsabilités, en engageant des réformes de structures rendues indispensables. »
Preuve de « bonne volonté »
En revanche, les médecins libéraux peuvent être satisfaits de ce que, une nouvelle fois, le ministre de la Santé les traiter avec bienveillance. En effet, les dépenses de soins de ville ont un objectif de dépenses fixé à 5,6 % en 2003, contre 3 % en 2002. Une progression forte qui devrait permettre aux professionnels de santé, et notamment aux médecins, de respirer quelque peu. Ils ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Les syndicats de médecins libéraux, même s'ils ne sautent pas de joie, sont presque unanimes pour saluer l'effort du gouvernement en la matière. Même le Dr Michel Chassang, le président de la CSMF, dont on sait la sévérité avec laquelle il parle de l'ONDAM, reconnaît que le gouvernement a fait un effort en fixant un objectif qui, « pour une fois, dit-il, pourrait être respecté ». Mais cela ne change pas, ajoute aussitôt le président de la CSMF, pour que l'on ne se méprenne pas sur sa position, « la technique "pifométrique" qui détermine chaque année un ONDAM qui ne repose sur aucun critère médical ». Pour le leader de la principale centrale syndicale de médecins libéraux, dans cette affaire, le gouvernement a « fait preuve de bonne volonté ».
L'histoire d'amour se poursuit donc entre les médecins libéraux et le ministre de la Santé. Et ce ne sont pas les propos du Dr Roger Rua, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux (SML), qui permettront de se forger une autre opinion. « Le ministre, explique-il, a tenu compte de nos observations et de notre opinion. Nous ne pouvons que nous en féliciter. D'autant que ce taux réaliste permettra aux médecins libéraux de travailler beaucoup plus tranquillement, sans appréhender le couperet d'une maîtrise comptable ». Pour le Dr Rua, « cet objectif devrait également permettre de satisfaire certaines revendications de médecins spécialistes en fin d'année ». Mais, ajoute-il, cela va de pair avec « l'esprit de responsabilité dont doit faire preuve de plus en plus le corps médical, s'il veut que le gouvernement poursuive dans cette voie ».
Réalisme aussi des pouvoirs publics pour le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, qui constate « que par rapport à l'année dernière où l'objectif fixé pour 2002 était complètement impossible à respecter, celui de 2003 permettra aux médecins de travailler », même, ajoute-il cependant, « que cet objectif sera certainement dépassé ».
Quant au Dr Pierre Costes, président de MG-France, il met en garde ses confrères contre « tout triomphalisme en la matière ». Les généralistes, répète-il, « ont toujours respecté les objectifs qui leur avaient été fixés, ils ont même été en dessous la plupart du temps. La progression des dépenses, dit-il, c'est le médicament ».
Un objectif de 5,6 % est certes positif, mais « il ne concerne guère les médecins généralistes ; et que se passera-il demain si les dépenses de médicaments flambent encore plus qu'aujourd'hui ?».
« Je me garderai bien de tout gargarisme sur le taux prévu », répète le président de MG-France .
Enfin, pour le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français, cet objectif est certes intéressant, mais il regrette surtout la différence de traitement entre l'hôpital et la clinique. « Cela me chagrine un peu : il devrait y avoir la même enveloppe pour l'hôpital et les cliniques, ce qui permettrait, en particulier, d'améliorer le sort des médecins des établissements privés. »
Des établissements qui ne sont pourtant pas si moroses. « Certes, reconnaît le Dr Max Ponseillé, président de la Fédération hospitalière privée, nous sommes un peu déçus. Le gouvernement n'a pas pris en compte l'ensemble de nos revendications et notre demande d'un hausse de 5 % de nos dépenses pour 2003. Le taux est cependant intéressant ».
Il est clair aujourd'hui que c'est surtout du côté de l'hôpital que l'on fait grise mine.
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