En défendant le PLFSS pour 2002 devant les députés experts de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, Elisabeth Guigou a pu avoir un avant-goût, amer, de ce que sera le débat parlementaire le mois prochain en séance. Car ce texte, qui passera prochainement en conseil des ministres, soulève au moins autant de questions qu'il n'apporte de réponses.
La ministre s'est d'abord attachée à souligner la solidité de la situation financière de la Sécu. Sans vraiment convaincre. Même le député communiste Maxime Gremetz, dont le franc-parler habituel n'a pas fait défaut, a regretté que le gouvernement « ne tienne strictement aucun compte de l'analyse de la Cour des comptes » dans ses prévisions économiques. « En fait, la Sécu aurait dû connaître un excédent considérable ! Or, ce n'est pas le cas », a-t-il regretté. Juste avant, Bernard Accoyer (RPR) avait donné le ton : « L'évaluation de vos services est plus qu'inquiétante : quelle incidence accordez-vous au retournement de la conjoncture qui est sous nos yeux ? »
Expliquer aux députés comment serait désormais assuré l'équilibre financier du FOREC (fonds chargé, notamment, de financer les allégements de charges sociales pour le passage aux 35 heures) « par des recettes fiscales » ne fut pas chose facile non plus pour Elisabeth Guigou. Plusieurs parlementaires ont ainsi souligné la tuyauterie terriblement complexe mise en place par le gouvernement et ont regretté l'affectation au FOREC de droits et taxes actuellement perçus par l'assurance-maladie (sur les alcools, les véhicules à moteur, etc.)
« Flottement social »
Mais le summum de la cacophonie fut atteint au moment du débat sur l'ONDAM. Pourtant, Elisabeth Guigou avait réservé à la commission la primeur de la ventilation de cet objectif poste par poste : + 4,8 % pour les hôpitaux (dont 1,2 % pour la RTT) ; + 4,8 % pour les établissements médico-sociaux, secteur jugé « prioritaire » ; + 3,5 % pour les cliniques privées, supérieur de 0,2 point à celui de 2001 ; et 3 % pour les dépenses de soins de villes, comme en 2001. Mais le manque d'explications sur la nature et la justification de ces chiffres déclencha de vives interrogations. « Une fois de plus, les objectifs ne sont fondés sur aucune évaluation sanitaire, ils sont totalement déconnectés de la réalité, s'emporta Bernard Accoyer. Parle-t-on des dépenses réalisées, estimées, rebasées ? Notre débat est totalement dévalorisé. Le PLFSS, c'est le projet de loi de flottement de la Sécurité sociale ! » Pour Jean-Luc Préel UDF, Vendée, « l'ONDAM 2002 est irréaliste, il n'y a aucune chance de la respecter, et de toute façon, plus personne n'y comprend rien » (lire aussi en page 5). Même l'ancien ministre socialiste de la Santé, Claude Evin, pourtant aguerri à la comptabilité sociale, semblait avoir du mal à s'y retrouver. Il demanda au passage qu'une enveloppe financière spécifique soit désormais consacrée... aux réseaux, dans le cadre de l'ONDAM. « On étudie la question », a répondu Elisabeth Guigou.
Pour le reste, le débat fut plus convenu ; le président de la commission, Jean Le Garrec, s'est félicité d'un texte d'une grande densité, juste avant que Jean-Luc Préel n'affirme que « le gouvernement n'apporte aucune solution pour un système au bord de l'explosion et pour des professionnels de santé désabusés ». Bernard Accoyer, très en verve, a stigmatisé « les erreurs, mensonges et imprécisions » d'un projet de loi « extrêmement inquiétant ».
La CNAM vote contre le projet Guigou
Le conseil d'administration de la CNAM, consulté pour avis sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002, a, comme on pouvait s'y attendre, émis un avis défavorable. Ce projet a été rejeté par 27 voix contre aucune pour. Quatre administrateurs n'ont pas pris part au vote en raison des amendements qui pourraient venir modifier le texte. Ont voté contre l'ensemble de la délégation patronale (le Medef et la CGPME dont c'était le dernier conseil d'administration, ainsi que l'UPA) les représentants de la CGT, de FO, de la CFTC, de la CFE-CGC et de la Mutualité française. Les trois représentants de la CFDT et une personnalité qualifiée n'ont pas pris part au vote.
Les motifs d'opposition au PLFSS ne manquaient pas, qu'il s'agisse de la mise à contribution de l'assurance-maladie pour financer les allégements de charges sociales liées notamment aux 35 heures, du taux d'évolution de l'ONDAM (3,8 %), jugé irréaliste par beaucoup, de l'absence d'éléments concernant une nouvelle politique conventionnelle entre la CNAM et les médias, etc. La CFTC juge en particulier insuffisantes les mesures prévues pour le passage aux 35 heures des agents hospitaliers et dénonce « le manque de transparence notoire » qui, selon elle, caractérise ce projet.
Le vote de la CNAM vient confirmer, si besoin en était, le conflit de plus en plus net qui oppose la majorité des administrateurs de l'assurance-maladie à l'Etat.
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