« Aujourd'hui, il est admis que la consommation excessive de lipides totaux, parce qu'elle contribue fortement à l'apport énergétique, peut conduire au surpoids et à l'obésité, qui, rappelons-le, sont des facteurs de risque de cancer », notent les experts de la nutrition et du cancer réunis au sein du groupe Acides gras et cancer de l'AFSSA (Agence de sécurité sanitaire des aliments) et NACRe (Réseau national alimentation cancer recherche). Cependant, selon leur nature (notamment leur degré d'insaturation), la famille à laquelle ils appartiennent et le profil alimentaire global du consommateur, les effets des acides gras diffèrent : ils augmentent ou diminuent le risque de cancer. Après vingt ans de recherche, les données, en ce domaine, restent encore controversées.
Dans le cadre des deux programmes nationaux de lutte contre le cancer : PNNS (Programme national nutrition santé) et Plan cancer, les experts ont voulu dresser un état des connaissances et dégager des perspectives pour faire progresser la recherche.
Les données disponibles sont encore divergentes. Les acides gras mono-insaturés (AGMI), semblent associés à une diminution du risque. « Mais attention, préviennent les auteurs. Cette réduction de risque n'est valable que si le profil alimentaire global est de type méditerranéen. Si ce profil est de type occidental, les apports en AGMI, à l'inverse, sont corrélés à une augmentation du risque de cancer ». Manger de l'huile d'olive qui contient de l'acide oléique, l'AGMI le plus abondant de l'alimentation, ne suffit donc pas.
Même chose en ce qui concerne les acides gras poly-insaturés (AGPI). Les données sont également contradictoires et leurs effets ne sont pas encore élucidés. Les études fondées sur des biomarqueurs et utilisant la teneur en acides gras dans le tissu adipeux, sont en faveur d'un rôle protecteur des oméga 3 quant au risque de cancer du sein. Pour le cancer colo-rectal, une alimentation riche en poisson (oméga 3) aurait un effet protecteur, mais la seule étude qui utilise les biomarqueurs ne met en évidence aucune association entre la teneur en oméga 3 du tissu adipeux et le risque de cancer. Enfin, il faut signaler que « l'apport en acide gras alpha-linolénique (oméga 3) est associé à une augmentation significative du risque de cancer de la prostate », plus marquée pour le stade avancé.
Le deuxième type de données - les données expérimentales - suggèrent, elles, que les oméga 6 stimulent la croissance tumorale mammaire, ont un effet promoteur en cancérogenèse colique et favorisent les tumeurs de la prostate ou du pancréas. Les oméga 3 ont plutôt un effet inhibiteur dans le cas de la cancérogenèse mammaire, de la prostate ou du pancréas.
Les étude in vitro ont aussi permis d'émettre certaines hypothèses sur leur mode d'action au niveau moléculaire et cellulaire. Les acides gras moduleraient la transcription de nombreux gènes, en particulier ceux qui contrôlent le métabolisme. Ils interviendraient dans la modulation de l'angiogenèse, la prolifération cellulaire et l'apoptose. Toutefois, leur implication dans toutes ces voies reste à préciser in vivo.
Pistes de recherche
Les auteurs du rapport proposent plusieurs pistes de recherche. En plus des protocoles expérimentaux et animaux à améliorer, les études multicentriques prospectives devront être développées chez l'homme, des biomarqueurs de consommation validés. Mais surtout, notent les auteurs, les tables de composition des aliments méritent d'être révisées car elles sont aujourd'hui incomplètes et imprécises. Or, la fiabilité de l'estimation des apports alimentaires dépend de leur fiabilité. Elles ne permettent pas, par exemple, d'identifier les aliments riches en acides gras spécifiques (oméga 3, acides gras conjugués comme le diène conjugué de l'acide linoléique, CLA).
Enfin, les recommandations restent à préciser. Celles qui sont disponibles ne concernent pas spécifiquement les acides gras, mais les apports en graisse dans l'alimentation générale, dans le cadre de la prévention des maladies chroniques dont les cancers font partie. Elles incluent la surveillance du surpoids, car on sait que le risque de cancer est minimal lorsque l'indice de masse corporelle est maintenu entre 18,5 et 25 (voir encadré).
Recommandations
- Réduire les graisses (moins de 35 % de l'apport énergétique journalier), surtout les acides gras saturés, en favorisant les AGMI et AGPI.
Conseils pratiques : préférer le mode de cuisson à l'eau, à la vapeur, au gril ou au four. Enlever les graisses visibles de la viande, du jambon et de la peau de volaille. Manger du poisson deux fois par semaine. Modérer la consommation de viennoiseries, pâtisseries, charcuteries..., de plats cuisinés riches en matières grasses. Remplacer les graisses animales par les graisses végétales, huile d'olive et de colza, notamment, en pensant à les varier. Préférer le jus de citron, le fromage blanc ou le yaourt pour l'assaisonnement.
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