Election présidentielle
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN
Que pensez-vous de la politique de OLIVIER BESANCENOT
Malheureusement, de Juppé à Jospin, je ne peux que constater une profonde continuité. Qui a comme priorité l'austérité et la maîtrise comptable, plutôt que le droit à la santé. Il faut rompre profondément avec cette médecine à plusieurs vitesses où l'hôpital devient une entreprise, où les cliniques privées, qui rentrent en Bourse, se réservent les pathologies rentables, pendant que le service public est mis à la diète et la prévention oubliée. Plus largement, l'explosion de Toulouse, la crise de la vache folle, les OGM montrent que les profits passent toujours avant la sécurité environnementale. Au procès de Pretoria, les trusts pharmaceutiques ont cyniquement avoué préférer leur chiffre d'affaires au droit à la santé. A l'opposé de tout cela, il faut proclamer haut et fort que la santé n'est pas une marchandise .
La fin du paritarisme
Que vous inspire le projet du Medef, un système concurrentiel avec des opérateurs de soins, publics ou privés, et un cahier des charges fixé par l'Etat ?
Il n'y a qu'à voir la politique d'Axa qui cherchait à exclure de ses polices d'assurance les enfants trisomiques, pour comprendre à quoi rêve son P-DG, et vice-président du Medef, Denis Kessler, inspirateur de cette politique. Malgré toutes les déclarations contre la sélection du risque, seuls les plus riches, les moins malades auraient droit à une couverture médicale de qualité.
Les autres, et ils sont les plus nombreux, seraient abandonnés à un service public, ou à ce qu'il en resterait, avec un panier de soins a minima. Derrière l'idée qui peut paraître généreuse de la CMU, le gouvernement de gauche a déjà introduit des éléments préparateurs à ce grand virage revendiqué par le Medef : comme le panier de soins et la gestion par les assurances et les mutuelles de la CMU. Pour un accès aux soins pour tous, je propose un moyen simple et qui évite d'enfermer les plus pauvres dans un dispositif particulier : le tiers payant pour tous, la fin du ticket modérateur et des dépassements d'honoraires.
Après le départ du Medef, considérez-vous que le système de gestion des caisses d'assurance-maladie, fondé sur la paritarisme, est mort ?
Le Medef a choisi les assurances contre la solidarité, c'est donc la fin d'un paritarisme imposé par De Gaulle, que nous ne regrettons pas. Face à ce départ, pour défendre un droit à la santé égal pour tous, auxquels les grèves de décembre 1995 ont montré que les salariés sont attachés, il faut redonner vie à la Sécurité sociale qui est devenue une lourde machine bureaucratique, épuisée par des années d'austérité. Il faut des élections à la Sécu, préparées par un débat entre salariés, personnels et usagers sur les priorités de santé, la politique de prévention, les droits des malades, la démocratie sanitaire...
Contre la CSG et la fiscalisation
Etes-vous opposé au fait que l'assurance-maladie soit de plus en plus financée par la CSG ?
Il faut répéter ce chiffre : aujourd'hui, les trois quarts du produit de la CSG proviennent des revenus des salariés, des retraités, et seulement 10 % des revenus financiers. La politique de fiscalisation des dépenses de santé, menée par la droite et une gauche reconvertie au libéralisme, revient donc à faire payer toujours moins les entreprises, et toujours plus les salariés, les retraités, les chômeurs. Contre la CSG et la fiscalisation, je suis donc pour un droit à la santé, égal pour tous, financé par les patrons sur les salaires.
Comment envisagez-vous la maîtrise des dépenses d'assurance-maladie ?
Je m'oppose à toute logique de rationnement des soins au nom d'impératifs économiques. Et donc à toute culpabilisation autour d'une telle nécessité. D'autant que le financement de la Sécurité sociale est d'abord malade des exonérations de charges sociales pour les entreprises (15,24 milliards d'euros par an), des dettes patronales (13,72 milliards d'euros), et bien sûr, du chômage. Un million de chômeurs en moins, c'est plus de 9,15 milliards d'euros de recettes en plus. Il y a donc largement de quoi financer, en France, une Sécurité sociale de qualité pour tous.
Supprimer le paiement à l'acte
Y a-t-il, selon vous, une alternative à la politique de maîtrise budgétaire des dépenses, que dénoncent les médecins ?
Oui, je pense avec eux qu'il faut en finir avec l'austérité et la maîtrise comptable dans le domaine de la santé, le mépris et les lacrymogènes pour les personnels. La priorité aux besoins sociaux doit être au cur d'une politique 100 % à gauche.
Soutenez-vous la demande de revalorisation des honoraires qui persiste chez les généralistes libéraux ? Etes-vous pour le paiement à l'acte ou le paiement au forfait ?
L'austérité dans la santé, c'est aussi le blocage des honoraires médicaux. Rien d'anormal à ce que les généralistes demandent le C à 20 euros. Mais toute augmentation unilatérale des consultations, comme le secteur II ou le secteur privé à l'hôpital que nous condamnons, pousse à une médecine à deux vitesses. Une médecine pour ceux qui peuvent payer, avec des médecins qui sélectionnent leurs patients selon leurs revenus, et une médecine des pauvres, avec des médecins payés au minimum dans les quartiers déshérités. Le paiement à l'acte, au rendement, une médecine exclusivement curative centrée sur la prescription de médicaments ne peuvent répondre aux défis d'une santé qui doit aujourd'hui englober aussi bien le soin que la prévention, l'information des populations ou la démocratie sanitaire. Je défends donc une médecine globale, à l'échelle d'un quartier, où les médecins, pourquoi pas regroupés avec d'autres professionnels de la santé comme les infirmières, kinés, psychologues... seraient payés à la fonction pour prendre en charge aussi bien les soins, leur coordination que l'éducation sanitaire, la prévention, en lien avec la population, l'école. Un service public de proximité.
Face à la crise que traverse l'hôpital, l'annonce de la création de 45 000 emplois supplémentaires vous paraît-elle suffisante ? Que préconisez-vous ?
Etant donné la pénurie, les 45 000 emplois annoncés sur trois ans pour les 35 heures serviront avant tout à combler le déficit de personnel. Je soutiens totalement la mobilisation des hospitaliers qui luttent depuis cinq mois. Diminuer le temps de travail de 10 % devrait être compensé par 10 % de recrutement, soit 80 000 emplois. Je préconise tout d'abord un moratoire immédiat sur les fermetures de lits, de services, d'établissements de proximité et l'arrêt de la privatisation des secteurs les plus lucratifs (chirurgie). Il faudra ensuite définir les besoins avec les professionnels, et les usagers. S'il est bien un domaine où la « démocratie participative » doit s'appliquer, c'est la santé. Faire de la santé une priorité, c'est enfin assurer le financement de ces besoins et donc tourner le dos à la maîtrise comptable du plan Juppé appliqué avec zèle par la gauche plurielle.
Etes-vous pour la dépénalisation des drogues ?
Je suis favorable à la dépénalisation de la consommation des drogues et à la légalisation du cannabis. La prohibition n'est pas une solution au problème. Par contre, elle engendre économie parallèle et mafias. Pour le cannabis, elle contribue à criminaliser une part significative de la jeunesse, sans aucun bénéfice pour la santé publique. Naturellement, la dépénalisation doit aller de pair avec des actions de prévention et de suivi médical.
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