LE QUOTIDIEN – Vous demandez « l'accès aux soins gratuits pour toutes et tous », l'extension du service public de santé par la nationalisation des cliniques privées et de l'industrie pharmaceutique. Bref, vous préconisez une révolution du système de santé. Comment financer cette politique, alors que l'assurance-maladie est déjà confrontée à un grave déficit ?
OLIVIER BESANCENOT – Permettre à tous d'accéder aux meilleurs soins, c'était le but de la création de l'assurance-maladie en 1945. J'estime que, dans une société où les richesses ont prodigieusement augmenté, cet objectif reste d'actualité. C'est une question de choix et de volonté politique. Le prétendu déficit de l'assurance-maladie n'a rien d'une réalité économique. C'est d'abord le résultat de choix politiques des gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé. Aujourd'hui, la répartition des richesses en France est de 60 % pour les salariés (salaires et cotisations sociales) et de 40 % pour les profits. A l'époque de Valéry Giscard d'Estaing (ce n'était quand même pas la révolution !), cette répartition était de 70 % pour les salariés et 30 % pour les profits. Une différence de 170 milliards d'euros en salaires et cotisations sociales qui permettrait de financer un système de soins gratuit pour tous, une retraite égale à 75 % du meilleur salaire, et d'augmenter substantiellement les salaires. On rejoint là le thème central de ma campagne : « Pour une autre répartition des richesses ». Sur les cliniques privées et l'industrie pharmaceutique, j'estime que les cotisations sociales ne doivent pas servir à rémunérer les actionnaires de groupes financiers, comme la Générale de Santé, ou de groupes pharmaceutiques, dont les profits explosent, mais qui privent de médicaments les pays du tiers-monde. Mais la plus grande révolution serait de passer du droit aux soins au droit à la santé. Car, oubliant la prévention, notre système se contente trop souvent de courir après les maladies que fabrique notre société : amiante, pollutions, souffrance au travail… Sans parler des inégalités sociales de santé : l'espérance de vie des ouvriers à 35 ans est inférieure de 6,5 ans à celle des cadres.
Le candidat UMP à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, propose de mettre en place une franchise annuelle à l'assurance-maladie. Qu'en pensez-vous ?
Un malade, ce n'est quand même pas une voiture, sauf peut-être dans l'esprit de Xavier Bertrand, assureur de son métier, ministre de la Santé et porte-parole de Nicolas Sarkozy. Cette réforme ultralibérale ne limiterait d'ailleurs pas les dépenses de santé, mais uniquement les dépenses de santé remboursées à tous par l'assurance-maladie. Cela aurait pour effet de renforcer l'inégalité dans l'accès aux soins. Je vous rappelle qu'un Français sur cinq renonce déjà à des soins pour des raisons financières. Or retarder l'accès aux soins, c'est risquer d'aggraver l'état de santé des malades. La prévention ou l'accès précoce aux soins sont déterminants pour préserver l'état de santé de la population.
Quel regard portez-vous sur la réforme de l'assurance-maladie adoptée en 2004 et sur le nouveau parcours de soins ?
Les assurés sociaux sont les premières victimes de cette contre-réforme. Les forfaits sur les actes médicaux et l'hospitalisation instaurent une forme scandaleuse d'impôt sur la maladie. Le parcours de soins était censé assurer la nécessaire coordination des soins. Il ne fait que pénaliser les assurés les plus fragiles, les chômeurs et précaires, et tous ceux qui n'ont pas les moyens de se payer une bonne complémentaire. Je préconise une Sécurité sociale qui rembourse les soins à 100 %, les mutuelles se voyant confier des missions de prévention et les assurances privées étant exclues du secteur de la santé.
Les services des urgences sont saturés et le personnel soignant réclame davantage de moyens. Que proposez-vous pour améliorer les conditions de travail et la rémunération à l'hôpital ?
Comme le revendiquent plusieurs organisations syndicales, il faut un véritable « plan d'urgence » emploi-formation pour l'hôpital, la création de 100 000 emplois statutaires dans les hôpitaux et le déblocage du numerus clausus pour les formations médicales. Je défends l'abrogation du plan Hôpital 2007, en particulier du nouveau mode d'allocation de ressources, la tarification à l'activité (T2A), qui instaure le principe de rentabilité dans les soins, et aura pour conséquence inévitable une sélection des patients et la fermeture des petites structures.
J'affirme également la nécessité d'un moratoire sur la fermeture de toutes les petites structures hospitalières et de tous les établissements de proximité, et une consultation, un droit de décision de la population, des assurés sociaux sur ces questions. Il faut définir un mode de financement des établissements hospitaliers qui parte des besoins, et non d'une enveloppe fermée comme l'était le budget global et comme l'est aujourd'hui la T2A. Pour cette année, je préconise un rattrapage d'au moins 8 % des budgets hospitaliers.
Il faut passer de l'hôpital public à un service public de santé qui inclurait à la fois l'hôpital, mais aussi des centres de santé polyvalents et gratuits, implantés dans la localité ou le quartier.
Ces centres de santé seraient à la fois des lieux de consultations gratuites de généralistes et de spécialistes, mais aussi d'information sur la santé, de prévention. Ce serait le lieu d'accueil des petites urgences, de la permanence des soins, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui désengorgerait les urgences hospitalières. On y retrouverait à la fois des médecins généralistes et des praticiens hospitaliers qui exerceraient ainsi parfois à l'hôpital, parfois en centre de santé. Ces centres devraient être pluridisciplinaires : médecins, mais aussi infirmières, kinés, psychologues… Ils seraient ainsi largement ouverts sur la cité, et développeraient un travail en réseau avec tous les professionnels libéraux, mais aussi les travailleurs sociaux, les services de maintien à domicile, les services municipaux, les élus. Ils seraient le service public de santé de proximité, porte d'entrée dans les soins.
La consultation des généralistes devrait passer prochainement à 23 euros. Les médecins spécialistes disposent d'une partie de leur activité avec autorisation de dépassement d'honoraires. L'évolution des tarifs des médecins libéraux vous inquiète- t-elle ?
Ce qui m'inquiète, c'est que l'évolution des revenus des généralistes soit liée soit à des économies de santé, réduction des arrêts de travail ou réduction des prescriptions, la fameuse maîtrise comptable que je refuse, soit aux dépassements d'honoraires, comme le propose Sarkozy.
Est-il tolérable que quelques grands patrons des hôpitaux parisiens, souvent amis du président de l'UMP, quand ils ne sont pas députés, puissent demander une enveloppe de 2 000 euros pour une mammographie, 4 000 euros pour une ablation de la prostate ou encore 6 000 euros pour une prothèse de la hanche, dans le cadre du secteur privé à l'hôpital, comme l'a révélé récemment « le Parisien » ?
Je suis donc hostile à tout dépassement d'honoraires. Et, plus largement, je suis pour la suppression du secteur II à honoraires libres, des lits privés à l'hôpital public, du forfait hospitalier et des tickets modérateurs. Je suis pour une santé gratuite pour tous, par la généralisation du tiers payant, en commençant dès maintenant par tous les bas revenus.
Je remets en cause le principe du paiement à l'acte en médecine libérale. Je suis pour un revenu des médecins intégrant soins, prévention et formation… Un paiement à la fonction.
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