RENDU PUBLIC cet après-midi par le ministère de la Santé, le rapport du Dr Jean-Yves Grall sur la permanence des soins (PDS) se veut tout à la fois un état des lieux exhaustif et fidèle du dispositif actuel et une réflexion sur une nouvelle organisation du système.
Si Jean-Yves Grall se défend d'avoir été sévère dans son état des lieux (ses critiques sont toujours adressées au dispositif et non aux hommes), il n'en dresse pas moins un tableau sans concession d'un dispositif qualifié d' «aléatoire, instable et fragile».
La PDS est dépeinte sans fard et sans détour. «Trouver un médecin devient un sujet de préoccupation largement répandu pour la population», écrit d'emblée le Dr Grall, en écho à des informations faisant état de trop nombreux secteurs de garde non couverts.
Le rapporteur prend toutefois bien soin de préciser que ces secteurs non couverts sont davantage la conséquence d'une démographie médicale dramatiquement basse dans certains secteurs ruraux que d'un véritable désengagement des libéraux. Le combat risque de cesser faute de combattants, aurait-il pu écrire.
Une facture annuelle de 370 millions d'euros.
Mais la charge se fait plus lourde quand le Dr Grall aborde le chapitre du pilotage du dispositif, qualifié de «structurellement incohérent». «La dualité entre un responsable (le préfet et la Ddass) sans levier financier et un financeur (l'assurance-maladie) sans responsabilité opérationnelle n'est pas de nature à garantir la pérennité ou la fiabilité du dispositif», note-t-il. La régulation n'est pas plus épargnée : «On observe une tendance générale de baisse du nombre de volontaires», écrit Jean-Yves Grall, attribuant cette désaffection à «la difficulté et à la tension liée à l'action de régulation, ainsi qu'au risque médico-légal permanent».
Quant à la facture de l'ensemble du dispositif, elle semble faramineuse à Jean-Yves Grall qui évalue le coût de la PDS à 370 millions d'euros pour 2006.
Tant et si bien que le dispositif actuel est jugé «à bout de souffle», nécessitant une remise à plat et un changement de stratégie. Au nom de la «cohérence», plusieurs pistes sont tracées :
Redéfinir les missions et clarifier la sémantique.
«Les différences entre PDS et AMU [aide médicale urgente] n'ont de réalité que par les cloisonnements de financement, d'effecteur ou de structure que cela implique», constate Jean-Yves Grall. D'où l'idée de créer une définition globale : « l'aide médicale permanente à la population » (Ampp), qui regrouperait les notions de PDS et d'AMU. Car «la classification entre ces deux notions (PDS et AMU) n'est possible qu'après avoir pris en charge le patient».
Mettre en place un dispositif institutionnel et un financement cohérents.
A l'évidence,le financement de la PDS par la voie conventionnelle ne trouve pas grâce aux yeux du Dr Grall, qui lui préfère un financement spécifique de l'Etat. Il préconise également la fin du paiement à l'acte (ainsi que des majorations pour actes de nuit et pour actes préalablement régulés) au profit d'un paiement forfaitaire horaire. De même, jugeant inefficace le partage des tâches entre les préfets et la Ddass, d'une part (qui gèrent la PDS sans disposer du levier financier), et l'assurance-maladie, d'autre part (qui paie sans avoir de responsabilité opérationnelle), Jean-Yves Grall propose de mettre en place un pilotage entièrement confié aux futures agences régionales de santé (ARS). En attendant leur mise en place effective, les missions régionales de santé (MRS, constituées par les ARH – agences régionales de l'hospitalisation – et les Urcam – union régionale des caisses d'assurance-maladie) piloteraient le système.
Décliner une organisation homogène, lisible et décloisonnée.
Le Dr Grall appelle de ses voeux la fin des secteurs de garde actuels. Il y substitue, au niveau régional, des «points fixes de garde» (autrement dit des maisons médicales de garde – MMG), idéalement situés dans l'enceinte ou à proximité d'un service d'urgence, et des secteurs élargis d'intervention pour des effecteurs médicaux mobiles (sur le modèle des actuels territoires des secteurs ambulanciers ou d'intervention Smur). Des horaires d'activité seraient alors établis au niveau local en fonction de la présence ou non, et de la fréquentation du service d'urgence, dans le souci d'une «utilisation parcimonieuse du temps médical». Le rapport suggère aussi la mise en place de centres de réception d'appels uniques, basés au Samu-centre 15.
Favoriser le volontariat et la pérennité du dispositif.
L'opération passerait notamment par la création d'un «véritable contrat de volontariat»,signé entre l'organisme pilote et le médecin volontaire, pour une durée de 3 à 5 ans. La rémunération proposée (3 C de l'heure) pourrait être défiscalisée et s'accompagner d'avantages statutaires divers, comme des avantages de points de FMC, voire de validation de FMC, ou une bonification de points de retraite. Le rapport souhaite également ouvrir le dispositif à tous les médecins, comme aux médecins hospitaliers non urgentistes qui souhaiteraient faire de la régulation, ou aux médecins salariés non hospitaliers.
Adapter les formations.
Il s'agirait par exemple d'adapter la formation et la reconnaissance statutaire des Parm (permanencier auxiliaire de régulation médicale) ou encore d'adapter la formation initiale à la régulation.
Dans l'entourage de Roselyne Bachelot, on rappelle que ce rapport avait été commandé à Jean-Yves Grall par Philippe Bas, successeur de Xavier Bertrand, quand celui-ci a quitté le gouvernement pour prendre part à la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. «Ce rapport nous convient, dit-on en substance avenue de Ségur, il est dans la logique de la réorganisation territoriale de la PDS et des ARS.» Mais, prudemment, l'entourage de Roselyne Bachelot rappelle également que, à ce jour, «aucune décision n'a été prise sur les suites à donner à ce rapport. Il faut tout d'abord le diffuser, puis en débattre. Ce n'est qu'après que l'on réfléchira à des suites législatives ou réglementaires. Mais on peut imaginer que ce rapport trouve des prolongements législatifs dès le Plfss [projet de loi de financement de la Sécurité sociale] 2008».
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