DIRE QU'IL FAUT dépister tôt un cancer est un lieu commun. Mais comment appliquer, auprès des plus grands nombres, ce principe à une tumeur aussi difficile d'accès que le cancer pulmonaire, avec une faible invasivité et un coût modéré ? Non pas en allant chercher directement la lésion, mais en analysant son environnement le plus proche, c'est-à-dire l'air qui la balaie en continu. C'est ainsi que, depuis 1985, des équipes se sont intéressées aux composés organiques volatils de l'air expiré. La technique expérimentale et onéreuse des premiers expérimentateurs vient de faire place à une boîte à essai colorimétrique, dont Peter J. Mazzone et coll. (Cleveland, Etats-Unis) publient les premiers résultats dans « Thorax ». Ces essais préliminaires offrent à leur technique une sensibilité et une spécificité dépassant 70 % dans la détection de ces tumeurs malignes.
Des capteurs absorbant les gaz.
La technique se fonde sur les modifications métaboliques des cellules cancéreuses. Elles entraînent la production de composés organiques volatils spécifiques. C'est cette signature qui va être mise en évidence dans l'air expiré. Les techniques de chromatographie gazeuse ou de spectroscopie de masse ne sont guère utilisables pour des raisons de coût et de technicité. En revanche, des capteurs absorbant les gaz sont utilisables. Ils convertissent leur détection en changement de conductivité, de masse, de vibration ou de couleur.
C'est cette option colorimétrique qui a été retenue. A la surface d'une plaque de petite taille (à peine plus grande qu'une pièce de 2 euros) sont disposés 36 capteurs. Il s'agit de gouttes de divers composés chimiques imprégnant le support. Le changement de couleur de ces taches est ensuite analysé par un scanner, puis converti en 108 vecteurs numériques (3 valeurs pour chacun des 36 capteurs). La différence entre l'air expiré et l'air ambiant permet l'analyse.
Cette étude de faisabilité a été menée auprès de 143 sujets. Le groupe comportait : 49 cancers du poumon non à petites cellules ; 18 Bpco ; 15 fibroses pulmonaires idiopathiques ; 20 hypertensions artérielles pulmonaires ; 20 sarcoïdoses et 21 contrôles. Tous devaient, pendant douze minutes, respirer amplement dans une pièce dont l'air n'était pas filtré. L'inspiration se faisait par voie nasale, l'expiration par la bouche dans un système de recueil de l'air. Cet air était ensuite propulsé, par une pompe, sur le dispositif d'analyse.
Sensibilité de 73,3 % et spécificité de 72,4 %.
Un modèle statistique a été mis au point afin de comparer l'analyse des patients atteints d'un cancer et les autres individus. Ce modèle était fondé sur 70 % du groupe de participants. Il a été validé sur les 30 % restants des participants. Cette validation a permis d'accorder à la technique une sensibilité de 73,3 % et une spécificité de 72,4 %, dans la détection des cancers pulmonaires.
Plusieurs points importants se font jour de ce constat. Les résultats ne sont pas influencés par le sexe des participants, ni par leur âge, l'histologie de la tumeur ou l'existence d'un tabagisme. De même, la taille et le stade tumoraux n'influent pas sur le dépistage. Surtout, 25 sujets porteurs d'un nodule pulmonaire de moins de 30 mm ont participé à l'étude. Lors de la publication du travail, pour 21 d'entre eux, un diagnostic avait été posé, dont 1 cas de cancer pulmonaire. Appliqué à ce sous-groupe, le modèle donne à la colorimétrie une sensibilité de 100 % et une spécificité de 60 %. Enfin, même si cela ne faisait pas partie des objectifs de l'étude, les Américains ont tenté de mettre en évidence une signature colorimétrique pour les diverses pathologies des sujets enrôlés.
Les auteurs expliquent que leur travail diffère de ce qui a été fait précédemment par le type d'appareillage utilisé, la méthode de recueil de l'air, le mode d'analyse et la population enrôlée. En outre, il est le seul à avoir été testé sur de petits nodules pulmonaires indéterminés.
Les appareillages de détection chimique des gaz ont été critiqués pour leurs difficultés à identifier des composés chimiques volatils. Mais les auteurs précisent bien que leur étude ne porte pas sur l'identification de ces gaz, mais juste sur la mise en évidence d'une « bio-signature »
Ils concluent sur leur confiance en leur capteur. Ils rappellent que le détecteur le plus sensible connu est le flair de chiens dressés. Son efficacité est de 99 %.
« Thorax », 2007 doi : 10.1136/thx.2006.072892.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature