Obésité : rôle de l'estimation calorique dans le régime

Publié le 12/06/2002
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Chez un adulte, dès lors que les apports énergétiques (alimentaires) sont égaux aux dépenses énergétiques, le poids reste stable. Tout déséquilibre de cette balance, dans le sens d'une augmentation des apports supérieure aux sorties, génère une prise pondérale.

« Pour perdre ce poids supplémentaire, il ne suffit pas de revenir à une alimentation équilibrée, il faut soit diminuer les apports, soit augmenter les dépenses, soit les deux à la fois », souligne le Pr Patrick Ritz (Angers) en insistant sur une notion importante : le sujet obèse a des dépenses énergétiques de repos beaucoup plus importantes que celles d'un individu de même taille et de poids normal. Un homme mesurant 1,70 m et pesant 60 kg dépense au repos 1 800 calories, alors qu'un autre de même taille et pesant 100 kg dépense 3 000 calories.
Cette estimation calorique va permettre d'adapter l'apport calorique aux dépenses énergétiques. A titre d'exemple, un apport de 1 300 calories chez un sujet qui en dépense 3 000 crée un déficit énergétique de 1 700 calories, trop important pour être maintenu à long terme car il entraîne des modifications importantes du comportement, dans ce cas, un apport de 2 500 calories sera mieux toléré.
Le plus souvent, l'estimation des dépenses d'énergie se fait grâce à des tables qui prennent en compte le poids, la taille, l'âge et le sexe et un facteur qui dépend des activités physiques (ANC pour la population française, TEC&DOC 2001). Ainsi, un homme de 50 ans mesurant 1,50 m et pesant 80 kg a des dépenses énergétiques de repos qui s'élèvent à 1 500 calories. S'il a une activité physique faible, ses dépenses énergétiques totales atteignent 2 200 calories, dans ce cas, un régime à 1 800 calories va lui permettre de perdre 1 à 2 kg par mois.
Dans les cas plus difficiles (obésité rebelle, traitement du surpoids chez les personnes âgées...), la mesure de la dépense de l'énergie de repos est réalisée dans les services spécialisés par calorimétrie indirecte.

Le « trou calorique »

« Pour les physiologistes, explique le Pr Bernard Guy-Grand (Paris), il paraît difficile d'imaginer que l'on puisse perdre du poids sans que, d'une manière ou d'une autre, un bilan négatif se produise. Depuis des lustres, la restriction calorique est donc, avec une logique apparemment irréfutable, utilisée dans le traitement de l'obésité, de la surcharge pondérale et même pour obtenir une (fausse) conformité à l'idéal minceur. »
A court terme, un régime restrictif fait toujours perdre du poids : lorsque les apports énergétiques sont inférieurs aux dépenses, le poids baisse d'autant plus vite que le « trou calorique » est profond, puis il se stabilise à un niveau inférieur sous la double influence des adaptations métaboliques et des contraintes psychologiques.
Force cependant est de reconnaître que, tôt ou tard, le poids perdu est repris et même au delà : l'obésité est une situation « chronique », sans tendance spontanée à la guérison, qui demande une prise en charge au long cours.
Seulement 5 à 15 % des patients réussissent à maintenir un poids stable ; pour les autres, les échecs répétés, source de perte de confiance en soi et de dépression, la restriction cognitive sans restriction énergétique les font le plus souvent entrer dans un cercle vicieux où alternent pertes et prises de poids (yo-yo). Pourtant, les avantages d'une perte de poids de 5 à 10 % par rapport au poids initial et son maintien à long terme sont indiscutables, avec notamment une réduction de la mortalité de 3 % à dix ans.
Quel régime ? Certainement pas des restrictions sauvages métaboliquement injustifiées et psychologiquement délétères, certainement pas non plus une restriction calorique très sévère qui expose à des troubles du comportement alimentaire, mais un régime permettant d'atteindre des objectifs pondéraux réalistes adaptés aux situations individuelles et établi en fonction de la dépense énergétique du patient, d'éventuels troubles du comportement alimentaire, de sa tolérance à la restriction et compatible avec la convivialité alimentaire.

Dijon, 2es Journées annuelles de l'institut Roche de l'obésité

Dr Micheline FOURCADE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7145