De notre correspondante
à New York
« Beaucoup de personnes ont recours à l'intervention chirurgicale pour traiter leur obésité morbide. Nous espérons que les personnes obèses pourront perdre du poids grâce au traitement par des antagonistes du récepteur GIP », confie au « Quotidien » le Dr Yuichiro Yamada, de l'université de Kyoto, un coauteur de cette étude publiée dans « Nature Medicine ». Le principal objectif de l'équipe est maintenant de découvrir de tels antagonistes et de débuter des études cliniques.
L'obésité est un nouveau fléau, celui des pays riches où la nourriture abonde. Mais l'évolution a souvent sélectionné des gènes qui favorisent la mise en réserve de l'énergie provenant de l'alimentation sous forme de graisse corporelle, afin de pouvoir utiliser cette énergie dans des périodes difficiles de sous-nutrition. Or de tels gènes pourraient bien favoriser l'obésité en cas de suralimentation chronique. Tandis qu'il n'y a pas de doute que la suralimentation chronique conduit à l'obésité, on ignore encore quel est le mécanisme moléculaire qui lie l'un à l'autre.
Le récepteur du GIP cloné il y a sept ans
L'équipe japonaise, dirigée par le Dr Yutaka Seino (université de Kyoto), s'intéresse depuis plusieurs années à l'hormone GIP et son récepteur, lequel a été cloné par l'équipe il y a sept ans. Le GIP (polypeptide inhibiteur gastrique) est libéré par les cellules K endocrines du duodénum immédiatement après l'absorption de graisse ou de glucose. Mais quelle est sa fonction ? Pour en savoir davantage, les chercheurs ont étudié des souris knock-out déficientes en récepteur pour le GIP (GIPR), et donc déficientes en signal GIP.
Sous-alimentation normale, les souris knock-out en GIPR conservent le même poids et le même appétit que les souris témoins. Mais sous un régime riche en graisse (pendant cinquante semaines), tandis que les souris normales augmentent leur sécrétion de GIP et prennent du poids (35 %), de la graisse sous-cutanée et viscérale, et développent une résistance à l'insuline, les souris knock-out ne développent ni surpoids ni résistance à l'insuline et augmentent leur métabolisme basal.
Souris K.-O. : ni surpoids ni résistance à l'insuline
Les chercheurs ont ensuite voulu savoir si la leptine intervient dans cette réduction d'accumulation de graisse. La leptine, on le sait, est une hormone libérée par les adipocytes qui diminue l'appétit en agissant sur l'hypothalamus. Les souris génétiquement déficientes en leptine (lep-ob/lep-ob) deviennent obèses par gloutonnerie. Les chercheurs ont donc croisé des souris knock-out en GIPR (GIPR -/-) avec les souris génétiquement obèses (lep-ob/lep-ob). Les souris doublement homozygotes (GIPR -/-, lep-ob/lep-ob), ont constaté des chercheurs, prennent moins de poids et de graisse que les souris génétiquement obèses (lep-ob/lep-ob). Cela montre clairement que l'absence du signal GIP réduit l'adiposité, même en l'absence du signal leptine, entraînant une hyperphagie.
Les chercheurs ont établi que chez les souris knock-out en GIPR, la graisse n'est pas accumulée efficacement dans les adipocytes et est utilisée principalement comme la source préférée d'énergie.
Le lien entre suralimentation et obésité
Ces travaux montrent donc que « l'hormone GIP lie directement la suralimentation à l'obésité », concluent les chercheurs. Ils proposent le modèle suivant. Un excès d'apport de graisse induit une hypersécrétion de GIP. Celle-ci augmente la captation de nutriments et la synthèse des triglycérides dans les adipocytes, ces deux effets provoquent l'obésité.
L'obésité à son tour, entraîne une résistance à l'insuline, avec hyperinsulinémie secondaire, laquelle augmente davantage la captation de nutriments et la synthèse des triglycérides dans les adipocytes, ce qui crée un cercle vicieux pour développer l'obésité.
« Puisque l'hormone GIP favorise le stockage efficace de la graisse consommée, son gène pourrait bien jouer un rôle dans le développement de l'obésité dû à la suralimentation chronique », notent les chercheurs.
L'inhibition du signal GIP représente donc une nouvelle approche thérapeutique pour traiter l'obésité. L'équipe tâche maintenant de découvrir un antagoniste du récepteur pour le GIP, un récepteur couplé à la protéine G.
« Notre étude montre que : 1) l'inhibition du signal GIP augmente le métabolisme basal sous un régime riche en graisse ; 2) l'obésité induite par un régime riche en graisse ou la suralimentation est améliorée par l'inhibition du signal GIP ; 3) et il n'y a aucun changement sous régime normal », résume pour « le Quotidien » le Dr Yuichiro. « Par conséquent, l'antagoniste GIP pourra être utilisé sans risque pour traiter l'obésité morbide. »
« Nature Medicine », 17 juin 2002, DOI :10.1038/nm727.
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