Dans les dix prochaines années, le nombre des cas de diabète non insulinodépendant devrait se majorer de façon nette dans le monde. Ainsi, plus de 500 millions de personnes seraient atteintes dès 2010 dont la moitié résiderait dans un pays d'Asie - en particulier l'Inde ou la Chine. L'incidence du diabète de type 2 varie entre 0 et 50 % selon les populations étudiées. En Grande-Bretagne et en Allemagne, elle est de 2 %, en Australie, elle est passée de 2 % en 1981 à 8 % en 2002 et aux Etats-Unis, elle est estimée à 8 % ; 1 % des Noirs africains vivant en Tanzanie rurale sont atteints, alors que ce chiffre est de 8 % dans la population urbaine d'Afrique du Sud. Trois régions du monde concentrent les taux les plus élevés : le territoire américain des Indiens Pima où l'incidence est de 50 % (alors que chez les sujets de cette tribu vivant encore en territoire mexicain, l'incidence n'est que de 5 %), certaines îles micronésiennes - en particulier Nauru où l'incidence est passée de 0 % en 1952 à 41 % en 2002 - et la Nouvelle-Guinée urbaine, où près de 40 % de la population est atteinte (contre 0 % en milieu rural).
L'histoire de Nauru
Le Dr Jared Diamond (Los Angeles) expose l'exemple des habitants de Nauru dans « Nature ». Les Micronésiens vivaient en paix jusqu'en 1888, date à laquelle les Allemands ont annexé l'île. Le territoire est ensuite passé sous la tutelle de l'Australie (1914) et n'est devenu indépendant qu'en 1968. Le mode de vie traditionnel des habitants de Nauru était fondé sur l'agriculture et la pêche. La découverte de mines de phosphates en 1906 a permis d'augmenter le niveau de vie des habitants (la consommation moyenne de sucre est passée à 450 g par jour en 1927). Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Japonais ont occupé l'île et ont procédé à de tels rationnements de nourriture que la moitié de la population a été éliminée par des épisodes de famine. Dans les années 1950 - et de façon encore plus nette après l'indépendance -, les habitants ont totalement abandonné l'agriculture et la pêche et se sont contentés de produits alimentaires fabriqués d'autant plus facilement disponibles que le revenu moyen est passé à plus de 22 000 dollars par an. La suspension des travaux physiques (les mines de phosphates sont exploitées par des travailleurs immigrés), l'accès généralisé à des moyens de transport individuels (sur un territoire de 20 km2), l'abondance de nourriture et d'alcool ont fait de cette île, qui est la plus petite République du monde, le territoire comprenant la proportion la plus élevée d'obèses (70 % des 10 000 habitants). Le nombre de personnes atteintes de diabète de type 2 est aussi particulièrement important : ils sont 30 % chez les moins de 20 ans, 66 % entre 20 et 55 ans et plus de 75 % après 70 ans.
Des gènes pour stocker en cas de famine
Le Dr Diamond reprend une théorie génétique avancée dans les années 1990 pour expliquer ce phénomène : seulement certains individus ont survécu aux épisodes de famine. Il s'agirait de ceux dotés de gènes particuliers qui n'auraient besoin que d'une quantité limitée de nourriture pour effectuer les travaux quotidiens. Mis en présence d'une nourriture abondante, ces sujets auraient tendance à stocker sous forme de graisse une partie des calories afin de mieux faire face dans le futur à d'éventuels épisodes de famine. Cette théorie génétique bien que séduisante ne doit pas être envisagée sans que soient prises en compte les variations extrêmes survenues dans le mode de vie de certaines populations : incitation à la consommation de produits sucrés, absence de recours au travail et à l'exercice physique.
« Nature », vol. 423, pp. 599-602, 5 juin 2003.
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