REFERENCE
Réalisée à la demande de la CANAM (Caisse nationale d'assurance-maladie des professions indépendantes), l'expertise collective de l'INSERM sur l'obésité de l'enfant incite d'abord à se garder de tout simplisme. Avant d'énoncer le constat général que « la prévalence de l'obésité augmente dans tous les pays du monde » et qu'il s'agit là « d'un fait de société lié aux modifications des modes de vie », Mme Rolland-Cachera (CNAM, Paris) insiste sur la difficulté à établir et à interpréter des courbes précises de mesure, permettant entre autres les comparaisons entre pays et dans un même pays.
Par exemple, il faut savoir que l'indice de masse corporelle (IMC) varie avec l'âge : il augmente la première année, diminue jusqu'à 6 ans puis augmente (c'est le « rebond ») jusqu'à 15 ans. Ce « rebond » semble plus pertinent que le seul poids de l'enfant. Un enfant « gros » peut ne pas le rester, alors que plus le rebond est précoce, plus les chances d'obésité à l'adolescence, et donc à l'âge adulte, sont grandes.
« Il existe sans conteste une prédisposition génétique à l'obésité, mais impliquant probablement un grand nombre de gènes dans différentes populations », explique Mme Clément (Paris). L'étude des gènes candidats permet de décrire des mutations responsables de syndromes d'obésité morbide, rares et tous associés à d'autres perturbations endocriniennes. La cause la plus fréquente d'obésité monogénique sans symptôme endocrinien associé concerne 1 à 3 % des enfants obèses seulement.
Les facteurs environnementaux sont donc cruciaux, l'augmentation des activités sédentaires apparaissant comme la principale composante. « Un indice majeur d'inactivité serait le temps passé à regarder la télévision », rapporte le Dr Frelut (hôpital Robert-Debré, Paris). Un bon moyen de la combattre serait le sport à l'école et, surtout, la pratique d'activités physiques en extérieur, même la simple marche. Le grignotage d'aliments gras est évidemment favorisé par la publicité, mais aussi par l'absence de petit déjeuner (de 30 à 50 % des enfants obèses). Et comment distinguer causes et conséquences dans la plus grande fréquence de l'obésité chez des personnes en situation de stress social (quartier défavorisé, négligence parentale, difficultés scolaires, etc.) ?
La prévention ne doit sans doute pas se cantonner aux sujets à risque (parents obèses, milieux sociaux défavorisés), mais viser l'ensemble de la population. D'autre part, l'inventaire des mesures dressé par le Dr Charles (INSERM, Villejuif) n'est guère encourageant. « Beaucoup de choses marchent à court terme, mais sont décevantes à long terme. Les meilleures modalités d'action ne sont pas établies, en particulier parce qu'il est difficile de savoir si on agit réellement sur la masse grasse et non sur le seul IMC ». Il faut sans doute coordonner éducation nutritionnelle à l'école et à la maison avec la promotion des activités physiques à l'école et en dehors de l'école, tout en sachant que, pour l'instant, il y a peu de prises sur les autres facteurs environnementaux.
Il faut certes lutter contre l'obésité, insiste le Pr Basdevant (Hôtel-Dieu, Paris), parce que ses conséquences sont réelles, non seulement à long terme mais aussi à court terme. Le diabète de type 2 occulte souvent les problèmes respiratoires, notamment les apnées du sommeil, moins bien connus mais qui peuvent être graves. Il faut cependant se garder de renforcer une des difficultés majeures rencontrées par les obèses : la stigmatisation, qui a de nombreux effets nocifs, y compris sur leur avenir socio-économique. L'objectif thérapeutique doit être double.
En premier lieu, « il faut soulager les malades de ce dont ils souffrent, et ce n'est pas forcément de leur poids ». Les régimes trop violemment restrictifs constituent des erreurs thérapeutiques graves. Pour Le Pr Basdevant, « il faut d'ailleurs étudier les régimes comme on étudie les médicaments, c'est-à-dire aussi tenir compte de leurs effets iatrogènes éventuels ».
En second lieu, il faut d'abord viser l'absence de prise de poids supplémentaire, ensuite seulement passer à un amaigrissement progressif (de 10 à 15 %). Il faut en effet tenir compte des résistances à l'amaigrissement, qui sont aussi biologiques. Une fois constituées, les capacités de stockage conservent un certain degré d'irréversibilité.
Conférence organisée par l'INSERM au Medec.
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