LE CANDIDAT DÉMOCRATE bénéficie des effets négatifs de la crise financière qui a réduit un peu plus la popularité de George Bush et rejaillit sur M. McCain. Lequel croyait avoir trouvé l'arme fatale en désignant Sarah Palin comme candidate du parti républicain à la vice-présidence. Le sénateur de l'Arizona a failli gagner son pari. Jeune, belle et dynamique, douée d'un franc-parler qui tranche avec le langage traditionnel des politiciens, Mme Palin a d'abord été accueillie par des acclamations.
Gouverneur de l'Alaska, elle s'oppose au centralisme washingtonien, ce qui est contradictoire avec sa prétention à occuper la vice-présidence. Elle n'a pas tardé à exposer ses limites culturelles, historiques et politiques dans les entretiens télévisés. Les républicains dénoncent « l'élitisme » d'Obama, mais ils ne sauraient s'y opposer en exaltant l'ignorance profonde de Mme Palin.
Une femme n'en vaut pas toujours une autre.
Quand Sarah Palin est apparue peu informée, quand, en outre, elle a attribué à la volonté divine la guerre en Irak (ce qui constitue une explication assez mince), quand on a vu en elle la moins féministe des femmes (elle a laissé naître son fils trisomique, toujours au nom de la volonté divine), quand elle a été prise au dépourvu par une question sur la « doctrine Bush », dont manifestement elle n'avait jamais entendu parler, les Américains, qui avaient cru qu'elle représentait une Hillary Clinton de droite, ont déchanté. Pour l'unique débat qui l'a opposée à Joe Biden (candidat démocrate à la vice-présidence), elle a été frénétiquement préparée par l'équipe de McCain et elle s'en est sortie ; mais on ne rattrape pas en quelques heures quarante-deux ans d'ignorance.
POUR UN BOND HISTORIQUE, UNE ELECTION CLASSIQUE
De sorte que le gimmick mis en place par John McCain, qui espérait démolir Barack Obama en lui faisant payer son refus de placer Hillary Clinton sur son propre ticket, s'est retourné contre le candidat républicain. Une femme n'en vaut pas nécessairement une autre : Mme Palin n'a ni les connaissances ni les idées de Mme Clinton.
Le retournement de la tendance inquiète M. McCain qui ne dispose plus, d'ici au 4 novembre, de munitions nouvelles. Il a tenté de tirer parti de la crise financière en rentrant à Washington pour voter le plan Bush de sauvetage du système financier américain, en déclarant, non sans grandiloquence, qu'il interrompait sa campagne pour mieux se consacrer à une conjoncture alarmante. Il a tenté d'annuler le débat prévu avec son rival démocrate, mais cette manoeuvre sentait la lâcheté ; il lui a bien fallu se livrer à un exercice où il n'est pas particulièrement à l'aise. Quoi qu'il en soit, M. McCain devine que le choix de Mme Palin ne suffira pas à assurer sa victoire. La crise financière a consacré la mauvaise réputation des républicains.
On notera que la conjoncture aura davantage déterminé le sort des candidats que leurs discours ou leurs qualités. M. Obama, dont la candidature apparaissait comme un bond formidable de l'histoire et qui semblait devoir gagner simplement parce qu'il est noir, cultivé et très éloquent, se contente de bénéficier aujourd'hui d'un nouveau revers de George Bush, alors que le président actuel des États-Unis a su prendre la crise financière en mains et proposer une solution à la fois radicale et courageuse ; M. McCain, qui se présentait comme un animal politique exotique, est rentré dans le rang pour obtenir le soutien de l'aile droite du parti républicain ; de sorte que la bataille électorale n'est pas extrêmement différente des précédentes : elle oppose plus le progressisme au conservatisme que deux personnalités en tout point extraordinaires.
Retour à la routine.
Bien entendu, la remontée de M. Obama peut n'être que de courte durée. Les quatre semaines qui nous séparent du scrutin seront riches en rebondissements et le moindre incident de parcours peut faire perdre son avance à M. Obama.
C'est un autre aspect « routinier » de la campagne : si en France ou en Europe on a tendance à croire que Barack Obama est un candidat irrésistible et que les Américains ne peuvent pas ne pas l'élire, il est probable que l'écart entre le vainqueur et le perdant sera mince. Le candidat démocrate devrait l'emporter parce que les électeurs indépendants sont exaspérés par huit années de bushisme et qu'ils n'ont pas envie d'élire M. McCain, coupable de ne pas avoir su prendre ses distances avec le président en exercice. Mais le camp conservateur est encore nombreux, le racisme n'est pas complètement déraciné et le discours-sermon de Mme Palin trouve des oreilles accueillantes, celles des électeurs qui vont prier le dimanche.
La logique voudrait que l'on reconnaisse que M. Bush, cette fois, a su garder le cap, que Mme Palin se désiste pour cause de médiocrité, que les républicains autorisent M. McCain à refonder leur parti, que M. Obama pourfende à longueur de journée les oligarques et qu'il remplace M. Biden par Mme Clinton. Mais il n'y pas de logique en politique. Et l'élection se jouera sur l'histoire du moment, sur les événements, positifs ou négatifs, qui, d'ici au 4 novembre, feront basculer un ou deux millions d'indécis.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature