SA PRÉSENCE sur le ticket est improbable : bien que les discours de fin de campagne aient été réciproquement courtois et louangeurs, M. Obama n'est pas rassuré par la forte personnalité d'Hillary Clinton ; il craint que, à partir d'un poste sans réelle influence, elle devienne le moteur de l'action politique. Or le sénateur de l'Illinois est très convaincu de sa bonne étoile, très sûr de lui et décidé à devenir un président historique, non seulement parce qu'il est noir, mais parce qu'il va faire des États-Unis une puissance à visage humain. En outre, il déteste Bill Clinton et a déjà dit que, s'il prenait Hillary comme vice-présidente, il faudrait que Bill s'engage à ne pas s'approcher de la Maison-Blanche.
Un parti partial.
Le Parti démocrate ne peut pas et n'a pas l'intention de frustrer l'électorat d'Obama de sa victoire ; dans son règlement du problème posé par les États du Michigan et de Floride, il a tranché en faveur d'Obama, ce qui a déclenché une colère mémorable chez Harold Ickes, un conseiller très proche d'Hillary Clinton. Les pressions du Parti pour que Mme Clinton se désiste datent déjà de plusieurs semaines.
Il ne peut pas non plus frustrer l'électorat de la sénatrice de New York, qui a été acclamée quand elle a déclaré, dans la nuit de mardi à mercredi, qu'elle réservait sa décision.
Si ces primaires ont démontré quelque chose, c'est que la question de l'éligibilité d'Obama reste entière. Le Parti est divisé entre deux tendances à peu près égales : il importe donc, à partir d'aujourd'hui, de refaire l'unité des démocrates ; et cette tâche ne sera accomplie que si un gage important est accordé à Mme Clinton et que si elle-même se déclare satisfaite de ce qu'on lui propose.
Rien ne prouve que ce processus de réunification se déroulera sans anicroches dans les semaines qui précéderont la convention de Denver à la fin du mois d'août ; même si tout laisse penser qu'Hillary Clinton va rentrer dans le rang et militer loyalement pour une victoire démocrate, chacun de ses électeurs se définira en fonction de sa propre humeur. Le phénomène de ces primaires, rarement souligné dans la presse, c'est que les démocrates ont voté avec la même passion. C'est dans ce sens que la victoire d'Obama est un peu indécise : il n'a jamais conquis l'électorat de Mme Clinton, comme John McCain a conquis rapidement tous ceux qui avaient fait mine de choisir ses rivaux. Jusqu'à la dernière minute, et encore à Porto Rico, dans le Montana et dans le Dakota du Sud, des démocrates qui savaient pourtant que c'était fichu pour Hillary ont voté pour elle en nombre, assurant même sa victoire dans deux des trois États. Même si la sénatrice de New York leur dit sans réserves qu'ils doivent maintenant assurer la victoire d'Obama, les électeurs sont libres. Libres de s'abstenir, libres de voter républicain, libres d'attendre 2012. Le soutien à Mme Clinton est intense, profond, durable ; il n'est pas de circonstance, il n'est pas superficiel.
LA VICTOIRE DU CAMP DEMOCRATE SERAIT LOGIQUE, ELLE N'EST PAS DU TOUT ASSUREE
Tout cela, John McCain le sait fort bien, qui se réjouit de la coupure béante au sein de l'électorat démocrate. Et pourtant, jamais le choix entre deux avenirs n'aura été aussi évident. Si M. McCain a fait la campagne des primaires en s'appuyant sur sa qualité de maverick (de brebis galeuse, d'homme différent, non conformiste), il a été contraint, une fois qu'il était investi, d'accepter que le Parti républicain le normalise. Son engagement en faveur de la présence continue des forces américaines en Irak (ce fut la première de ses promesses, il y croit vraiment) lui a valu le soutien de George W. Bush ; concernant ses rapports avec la droite chrétienne, qu'il exècre pourtant, le maintien des réductions d'impôts pour les riches, et le refus de parlementer avec les mouvements terroristes, il a rejoint la ligne de Bush.
Les coups de barre qu'il a donnés à son programme sont dictés par la nécessité d'avoir le soutien du Parti et de ne pas s'aliéner les forces conservatrices sans lesquelles un républicain ne peut pas être élu. Certes, M. McCain va perdre la sympathie des Reagan Democrats, groupe né de la désertion, en 1980, des démocrates qui ont franchi la ligne pour élire le candidat d'en face. Mais il n'est pas impossible que l'hostilité d'une partie des démocrates à Barack Obama les conduise soit à s'abstenir, soit à voter McCain.
Voter pour le changement.
Or le virage pro-Bush pris par McCain rend plus souhaitable encore une victoire démocrate. S'il est vrai que le monde attend Obama, et même qu'il l'exige, avec une ferveur un peu enfantine, il n'est pas moins vrai que l'Amérique a besoin d'un changement radical. Les deux candidatures extraordinaires, d'une femme et d'un homme appartenant à une minorité, ont montré que les Américains ont mûri, que le changement est inscrit dans les faits, que l'Histoire ferme la page d'une administration incompétente et ouvre celle d'une Amérique différente, en tout cas plus raisonnable. Plongé dans les inévitables tractations du Parti, contraint à se soumettre aux conservateurs parce que leur méfiance risquait de ruiner sa candidature, obligé malgré lui, malgré son caractère, malgré son indépendance, de représenter le camp de la continuité, John McCain ne peut pas donner aux Américains ce qu'ils réclament. Le choix est donc relativement simple ; mais il peut encore être altéré par les poisons que la campagne démocrate a sécrétés.
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