JAMAIS, dans l'histoire des Etats-Unis, les élections primaires n'auront eu lieu aussi tôt dans l'année. On a assisté à une surenchère de beaucoup d'Etats, tous désireux d'avancer la date des primaires : encore une histoire de communication.
De sorte que les dés seront joués avant le printemps et que, dans chaque camp, le candidat assuré de l'investiture de son parti pourra consacrer son énergie à la présidentielle. Autant dire que la campagne pour la magistrature suprême va commencer très tôt, ce qui bouleverse le calendrier traditionnel, les conventions, démocrate et républicaine, n'ayant jamais lieu avant l'été.
Un mois plus tôt.
Jusqu'à présent, Hillary Clinton devance ses rivaux du côté démocrate et Rudolph Giuliani arrive en tête des candidats républicains. La récente percée du démocrate Barack Obama dans les sondages peut inquiéter Hillary Clinton. La primaire de l'Iowa, la première, aura lieu le 3 janvier, soit un mois plus tôt que l'année dernière. Or il n'est pas impossible qu'Obama gagne l'Iowa, ce qui pourrait convaincre beaucoup de démocrates qu'il devient le bon cheval du parti.
Jeune et charismatique, orateur hors pair, M. Obama pourrait donc devenir le premier président noir des Etats-Unis. Il a toujours été hostile à la guerre d'Irak, ce qui lui donne des lettres de créance particulièrement convaincantes pour l'opinion. Il est aussi, d'une certaine manière, ce dont l'Amérique aura besoin après huit années de George W. Bush : la gestion économique du pays et la mondialisation ont affaibli considérablement la classe moyenne dans un pays où elle est la clé de la croissance. M. Obama appliquerait sans doute une politique fiscale beaucoup moins avantageuse pour la classe supérieure et beaucoup plus apte à augmenter les revenus des plus pauvres.
En d'autre termes, le sénateur de l'Illinois tire sa légitimité de ce qu'il est l'anti-Bush par excellence à un moment où la lassitude et l'hostilité du peuple américain au président en exercice sont immenses. Même si son expérience est relativement limitée, ses idées, associées à la nécessité pour tout candidat de faire campagne au centre, pourraient faire merveille dans un pays extraordinairement prospère, mais où les inégalités sociales ont été creusées par la gestion républicaine.
LES DEMOCRATES DOIVENT SE DONNER UN CANDIDAT CAPABLE DE BATTRE CELUI DES REPUBLICAINS
Trop à gauche.
La question ne porte donc pas sur l'intérêt qu'il y aurait pour les Etats-Unis et pour le monde à ce que M. Obama soit élu président ; elle porte sur un personnage dont les qualités, si remarquables qu'elles soient, ne sont pas en mesure de lui assurer la victoire finale. M. Obama est tout simplement trop à gauche, et peut-être trop exotique pour ne pas faire naître une majorité républicaine contre lui. Son investiture par le parti démocrate donnerait un coup de fouet à la campagne républicaine et risque d'envoyer un républicain, probablement M. Giuliani, à la Maison Blanche. Or, non seulement les républicains, après huit années dont on peut dire sans exagérer qu'elles auront été catastrophiques pour l'Amérique, doivent faire une cure d'opposition, mais M. Giuliani, ancien maire de New York, qui se présente comme le seul candidat capable d'assurer la sécurité des Américains, ne nous semble pas plus compétent que M. Bush, notamment en politique étrangère, et reconduirait, ce qui est encore plus grave, la politique fiscale de l'actuel président.
Certes, Hillary Clinton traîne ses propres casseroles : bien entendu, ses ennemis, et ils sont nombreux, essaient de rappeler les scandales dans lesquels le couple Clinton a été impliqué pendant les deux mandats de Bill ; il y a tous ceux qui en ont assez que deux familles, les Bush et les Clinton, se partagent la présidence depuis vingt ans ; des Américaines en veulent à Mme Clinton parce qu'elle n'a pas divorcé d'un mari qui l'a trompée ; et enfin, des millions d'Américains sont allergiques à Hillary sans pouvoir vraiment dire pourquoi, peut-être parce que c'est une femme, peut-être parce qu'elle ne manque pas d'assurance et parfois d'arrogance. Bref, elle n'a pas moins de handicaps que M. Obama.
En revanche, et pour le moment, elle est la seule à pouvoir défaire n'importe lequel des candidats républicains, y compris M. Giuliani. Si bien que si elle était élue par les démocrates, elle pourrait devenir la première femme présidente, ce qui ne serait pas moins historique qu'un premier président noir.
En outre, Mme Clinton est compétente ; elle a travaillé à la Maison Blanche et elle a essayé (en vain) de mettre sur pied un système de santé universel ; elle a été réélue sénateur de New York ; elle connaît la politique étrangère ; elle dispose, en la personne de son mari, d'un conseiller hors pair ; enfin, elle ne sera pas moins efficace que M. Obama pour ce qui est du programme socio-économique.
Il nous semble que Barack Obama doit prouver dès maintenant non pas qu'il est capable de battre Mme Clinton aux primaires, mais qu'il est capable de battre le candidat républicain en novembre prochain. C'est à cette condition qu'il obtiendra l'investiture de son parti.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature