PUISQU’IL est entendu qu’aujourd’hui le public inculte ne sait plus quelle est la fonction du temple grec et de ses prêtresses, cette « Iphigénie » est située dans une maison de retraite de luxe, pour très, très vieilles dames très, très riches. La plus riche d’entre elles, car habillée d’or et constellée de bijoux, aux faux airs de Marlène Dietrich avec sa perruque blond platine, est Iphigénie.
C’est ainsi que se présente au premier acte Susan Graham qui revit son sacrifice manqué et ses cauchemars. Ensuite, elle entre dans l’action en robe sang et perruque noire, façon actrice du muet, tandis qu’une actrice la remplace dans le rôle de l’Iphigénie radotante et bijoutée.
Quelque chose dans la raideur de Susan Graham indique qu’elle ne se plie pas entièrement à cette vision fantaisiste et qu’elle n’est pas à l’aise dans cette maison de retraite frisant l’asile psychiatrique dont aucun détail n’est épargné, pas même les sanitaires où elle doit se vautrer. Mais la grande artiste qu’elle est chante magnifiquement ce rôle admirable avec une diction impeccable, des teintes dramatiques, même quand elle doit chanter « Ô malheureuse Iphigénie » couchée au bord de la fosse où sont entassés musiciens et choristes. Ces moments dramatiques dont l’oeuvre regorge sont toujours forts et l’on peut facilement faire abstraction des multiples mouvements scéniques inutiles à l’action dont Warlikowski peuple la scène. Non qu’il ne soit un bon tragédien, la direction d’acteur est très serrée et l’ensemble tient bien la route et aurait probablement mieux convaincu dans un environnement plus adéquat. Musicalement, la distribution réserve d’autres surprises comme le Pylade de Yann Beuron d’une pureté de style, de diction et d’une émotion poétique rares. Russell Braun, qui a été un bon Pelléas sur la même scène, est un admirable Oreste en dépit d’un accoutrement affligeant et Franck Ferrari un Thoas cruel, robuste et sanguinaire dans son fauteuil roulant dernier cri de handicapé. Magnifiques aussi les prêtres et prêtresses condamnés à la fosse (Salomé Haller d’une belle sobriété contenue) et les choeurs et musiciens du Louvre – Grenoble.
Marc Minkowski cède comme toujours à la véhémence et ne résiste pas à jouer trop fort mais sa direction est admirable tant par le style que par la force dramatique qu’il sait leur insuffler à tout moment. Une soirée, musicalement parfaite et très applaudie. Krzysztof Warlikowski, en revanche, a accueilli avec stoïcisme la bronca appuyée que lui ont réservé les spectateurs de tous les étages du palais Garnier.
Opéra de Paris - Garnier : 0.892.89.90.90 et www.operadeparis.fr : les 21, 23, 26, 28 juin, 1er, 4, 7 et 10 juillet à 20 h. Retransmission sur France Musique le 14 août à 20 h.
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