I L est aujourd'hui quasiment certain que la cartographie des tissus présentant un risque infectieux, n'est pas la même pour les formes sporadiques de maladie de Creutzfeldt-Jakob, et le nouveau variant (nvMCJ) qui, de la vache à l'homme, a franchi la barrière d'espèce. Dans les formes sporadiques, le seul tissu contaminant est le SNC - le désastre de l'hormone de croissance extractive. Dans le nouveau variant, en revanche, bien des tissus pourraient être infectants. c'est la détection du prion pathogène dans les amygdales et l'appendice (1 cas) qui a attiré l'attention sur ce point. Tout le problème est qu'il manque encore le test qui permettra de certifier l'infectivité d'un tissu ou l'absence de risque. Les tests actuels manquent en fait trop de sensibilité pour donner autre chose que des indications (Cf. encadré)
Un certain nombre de pistes sont proposées pour détecter la Prpsc avec davantage de sensibilité.
Une version « gonflée » du test classique
Des observations indiquent que le plasminogène pourrait être un ligand spécifique de la Prpsc, susceptible d'être utilisé pour concentrer l'agent avant détection. D'autres résultats montrent qu'une forme particulière de Prpsc est éliminées à une concentration élevée dans les urines des organismes infectés. Mais ces pistes demandent d'abord la confirmation de concepts, touchant à la physiopathologie des infections à prions.
Les Britanniques, eux, ont fait plus simple. Le test qu'ils ont utilisé n'est qu'une version en quelque sorte « gonflée » du test classique, grâce à une étape initiale de concentration de la Prpsc éventuellement présente dans l'échantillon, par précipitation à l'acide phosphotungstique.
La méthode, en fait connue depuis 1998, a été appliquée à l'analyse de différents tissus de quatre patients, décédés de nvMCJ.
Un pas important est effectivement accompli en matière de sensibilité, puisque la quantité limite d'extrait cérébral dans laquelle la Prpsc peut être détectée est de l'ordre de 5 nanolitres, quand l'inoculum infectant chez la souris est typiquement de 30 microlitres d'extrait cérébral (par voie I.C.). En dehors du tissu nerveux, la Prpsc a ainsi pu être mise en évidence dans les ganglions lymphatiques, la rate et les amygdales des quatre patients. C'est d'ailleurs dans les amygdales, où la Prpsc avait déjà été mise en évidence par le test classique, que la concentration semble la plus élevée. En revanche, on est surpris de ne pas retrouver l'agent dans l'appendice. Les observations concernant cet organe se limitent donc à un seul cas, alors qu'il se confirme que les amygdales sont bien un réservoir. L'indication est précieuse pour des campagnes de tests après chirurgie, envisagées pour mieux cerner la prévalence réelle de l'infection dans la population.
Au chapitre des bonnes nouvelles dont il faut se méfier, la Prpsc n'a pas été retrouvée dans le cur, les poumons, le pancréas, les reins, le foie, la peau, ni, enfin, dans le sang. En fait, ces résultats ne certifient nullement l'absence de risque. Ils renvoient simplement à une limite de sensibilité de la détection, dont on ne connaît pas la signification en terme d'infectivité. Si prions il y a dans le sang, sa concentration dans la couche leucocytaire du culot de centrifugation est inférieure à la concentration cérébrale, d'un facteur au moins égal à 30 000. Après, c'est affaire d'interprétation.
Des questions soulevées pour la chirurgie
Par ailleurs, des résultats positifs inattendus ont été obtenus pour le thymus, les surrénales et le rectum. Dans ces organes,la Prpsc n'a en fait été mise en évidence que dans un seul cas. Mais un seul cas suffit à étendre à bien des gestes chirurgicaux - notamment en chirurgie gastro-intestinale -, les questions que l'on se pose déjà pour le SNC.
Les procédures de décontamination sont-elles suffisantes ? Du matériel à usage unique se justifie-t-il pour certains gestes ?
L'il, enfin. Il s'agit en fait du seul organe, hors tissu nerveux, pour lequel une infectivité ait déjà été démontrés dans les formes classiques de MCJ. Elle est confirmée pour le nouveau variant, pour le rétine, et surtout le nerf optique, où la Prpsc serait présente à 25 % du taux cérébral.
L'étude ne comporte pas de conclusion. Les questions qui se posent actuellement sur la prévalence et la prophylaxie sont claires. Et il est tout aussi clair que la clé de ces questions est dans un test sensible, permettant de détecter la plus petite dose infectante de Prpsc - qu'il faudra d'ailleurs déterminer. Des tests plus sensibles qu'aujourd'hui sont en préparation dans un certain nombre de laboratoires dans le monde. Et beaucoup de choses dépendent des résultats qu'ils apporteront, probablement dans un délai assez court.
J. D. F. Wadsworth et coll. « Lancet » 2001 ; 358 : 171-180.
Le manque de sensibilité des tests actuels
Les épreuves d'infectivité in vivo chez la souris, qui font actuellement référence, sont sans doute d'une piètre sensibilité. Bien que le prion de l'ESB ait franchi la barrière d'espèce, la dose infectante de l'homme à la souris ne reflète certainement pas ce que serait la dose infectante iatrogène. Reste les tests biochimiques. Idéalement, il faudrait titrer l'agent infectieux lui-même, et convertir un taux en unité infectieuses. Le problème est que l'agent infectieux n'a jamais pu être isolé et caractérisé au plan moléculaire. On se rabat donc sur la Prpsc, dont il n'est pas certain qu'elle se confonde avec l'agent infectieux, mais qui, néanmoins, participe indiscutablement à l'infection. Problème encore : on ne dispose pas d'anticorps différenciant la Prpc, normale, de la Prpsc, pathogène. Les tests actuels anticipent la difficulté en faisant subir à l'échantillon un traitement préalable par la protéinase K : la Prpc est en effet sensible à l'enzyme et éliminée, tandis que la Prpsc, résistante, reste seule détectable. Problème toujours, cette résistance n'est que relative et la protéolyse élimine toujours une fraction de la Prpsc à détecter. On retombe ainsi dans le manque de sensibilité des test d'infectivité chez l'animal. Cette limitation des tests est aujourd'hui centrale puisqu'elle empêche à la fois l'estimation précise de la prévalence, et la prévention d'éventuels cas secondaires.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature