Quatre ministres de l'Agriculture pourraient comparaître devant la Cour de justice de la République (CJR) à la suite des plaintes déposées par les familles des cinq victimes du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ). C'est en tout cas la possibilité que n'exclut pas la commission des requêtes de la juridiction en charge des procédures contre les membres des gouvernements.
Dans l'ordonnance que rend publique le site Internet du « Nouvel Observateur » (www.nouvelobs.com), les membres de cette commission jugent que les faits allégués à l'encontre d'Henri Nallet, Louis Mermaz, Jean Puech et Philippe Vasseur, les quatre ministres de l'Agriculture qui se sont succédé entre 1988 et 1997, sont « susceptibles de constituer des présomptions d'homicide involontaire ».
L'ordonnance considère qu'il y a lieu de « rechercher si les mesures générales d'interdiction édictées en 1996 (sur les viandes des animaux qui présentent un aspect neurologique qu'il n'est pas possible d'attribuer à une autre cause qu'ESB subaiguë transmissible, NDLR) ne peuvent être regardées comme tardives ».
Une pièce à charge
Une pièce à charge est en particulier retenue contre le quarteron ministériel : le rapport du Pr Dominique Dormont, chef du service de neurologie au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui fut transmis dès le 30 juin 1992 au ministre de la Recherche et de la Technologie, un rapport, juge la commission, « de nature à alerter les pouvoirs publics pour les inciter à prendre des mesures de précaution ».
Au procureur général de la Cour de cassation, Jean-François Burgelin, d'apprécier maintenant si les présomptions sont suffisamment étayées pour que la CJR enquête sur la réalité de la faute commise par les quatre ministres en regard du principe de précaution, d'une part, et sur le lien de causalité qui pourrait être établi entre cette faute et les maladies contractées par les victimes, d'autre part.
Plusieurs ministres de l'Agriculture s'étaient déjà fait épingler dans le passé pour leur défaillance dans la gestion du dossier de l'ESB et de ses conséquences humaines : en mai 2001, un rapport du Sénat dénonçait « la volonté de minimiser la maladie à tout prix » de la part Jean Puech, Philippe Vasseur, Louis Le Pensec et Jean Glavany, « les impératifs de santé publique ayant été muselés, selon la HauteAssemblée, au profit de la logique financière des multinationales du secteur agroalimentaire » (« le Quotidien » du 20 mai 2001). Les députés, dans un autre rapport remis en juin de la même année, s'en prenaient à « une appréciation insuffisante du danger de la part des pouvoirs publics ».
Dans la polémique qui avait suivi, un député s'était particulièrement distingué, en la personne de Jean-François Mattei : « Il y a certainement eu des manquements, avait alors affirmé le président du groupe Démocratie libérale et la justice, effectivement, devra tenter d'éclairer les citoyens, comme elle l'a fait pour l'amiante, pour l'hormone de croissance et le sida. Il faut que nous comprenions tout ce qui s'est passé, surtout pour éviter qu'un tel enchaînement puisse se reproduire à l'avenir. »
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